Mercredi, Le Généraliste révélait qu’un médecin de famille signataire d’une tribune anti-homéopathie avait été condamné par la chambre disciplinaire de première instance (CDPI) du Conseil régional de l’Ordre des médecins d’Île-de-France à une interdiction d’exercice de trois mois avec sursis.
Une décision inédite car jusqu'ici les signataires de cette tribune anti « fake med » avaient été relaxés ou n'avaient reçu qu'un avertissement — plus petite sanction ordinale.
Le médecin des Hauts-de-Seine, aurait été plus sévèrement sanctionné que le reste des praticiens franciliens (ayant écopé d'un blâme) en raison de sa participation à une émission sur France Inter peu après la parution de la tribune, selon son avocat, qui va faire appel de cette décision (l'appel étant suspensif, ndlr). La mise en cause de l’impartialité du Dr Christian Hugue, président du Conseil départemental de l'Ordre des médecins (CDOM) des Hauts-de-Seine explique également la dureté de la condamnation. À l'été 2018, l'Ordre altoséquanais s'était associé à la plainte de l'Union collégiale et de trois autres syndicats défendant les médecins à orientation spécifique thérapeutique ou à exercice particulier contre son client.
Une « aberration juridique »
« La décision ne mentionne pas spécifiquement les propos pouvant être reprochés à mon client », s’étonne Me Jérémy Afane-Jacquart, joint jeudi par Le Généraliste. Celui-ci confie avoir rappelé lors de l'audience que les livres du Dr Hugue étaient publiés par un éditeur (Anfortas) de « revues plus ou moins ésotériques ». « Le fait qu’il ait publiquement violé le secret du délibéré en affirmant que le CDOM avait décidé de s’associer à la plainte à l’unanimité » était « un indice de sa partialité », a fait valoir l'avocat.
Cet argument s’est finalement retourné contre son client. Ce qui constitue « une aberration juridique », pour Me Afane-Jacquart. Il insiste en outre sur la sévérité de la décision de la CDPI. Selon lui, les interdictions d'exercice sont d’ordinaire réservées aux praticiens ayant commis de « graves erreurs médicales ou des atteintes à la déontologie prononcées ». Et non pas aux médecins « ayant signé un papier indiquant qu’ils étaient d’accord pour dire que l’homéopathie n’avait pas de fondement scientifique ».
« On reproche à ce praticien de s’être livré à des débats scientifiques, estime l’avocat. Mais si un médecin ne peut pas le faire, personne d’autre ne le peut ! »
Une homéopathe dans le jury
Dans cette affaire, Me Afane-Jacquart déplore également l’absence de « discussion juridique », affirmant que tous les moyens procéduraux qu’il a invoqués « ont été rejetés sans explication ». « Des juges médecins ont pris cette décision aberrante par animosité à l’égard de la cause, lance-t-il. Mais juridiquement, ce n’est pas fondé en droit. »
Comme le soulignait mercredi Le Généraliste, le jury ayant décidé de l’interdiction temporaire avec sursis du généraliste francilien comportait une homéopathe qui a eu « un rôle actif durant l’audience », affirme l'avocat. Elle aurait notamment demandé aux médecins poursuivis s’ils avaient suivi des études d’homéopathie, avant de critiquer cette thérapeutique.
L'information n’a pas échappé aux médecins anti « fake med » qui se sont émus sur Twitter dès mercredi soir de la sanction de leur confrère. La présence d'une homéopathe est-elle de nature à remettre en cause la décision prononcée ? Le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) pourrait en effet faire appel de la décision s'il estimait que la présence d'une homéopathe dans le jury n'était pas réglementaire. En décembre 2018, le Cnom avait fait appel de l'avertissement adressé par la CDPI du CROM de Champagne-Ardenne à deux signataires de la tribune.
L'affaire ne devrait pas en rester là. Une fois l'appel formulé par son avocat, le dossier du généraliste francilien sera transmis à la chambre disciplinaire nationale. Avec un jury sans homéopathe, Me Afane-Jacquart a « bon espoir » que la cause de son client soit entendue. Si tel n'était pas le cas, ce dernier « compte sur le Conseil d'État, qui est le juge de droit, pour dire qu’il n’y a pas lieu de sanctionner des médecins qui ne font que parler de médecine ».
Le président du CDOM 92 se défend
Vilipendés par les médecins à la suite des révélations d'un rapport de la Cour des comptes sur son fonctionnement, l'Ordre et son président, le Dr Patrick Bouet, ont une nouvelle fois été interpellés à de nombreuses reprises sur Twitter mercredi. Contacté par Le Généraliste, l’Ordre n'a pas souhaité s'exprimer.
En outre, de nombreux médecins ont également pris à partie le Dr Christian Hugue, à tel point que celui-ci a définitivement supprimé son compte Twitter. « Je me fais incendier en mon nom propre alors que la décision a été débattue et prise en séance plénière par le CDOM, déplore le Dr Hugue, joint par téléphone. Je ne lis sur les réseaux sociaux que des mensonges. »
Le praticien a indiqué n’avoir aucun commentaire à faire sur la sanction, ni sur la présence d’un homéopathe dans l’un des jurys. « Pas davantage que je ne porte de commentaire sur l’homéopathie en général, précise-t-il. Alors que manifestement tout le monde a fait un amalgame avec la démarche du CDOM 92 vis-à-vis de ce médecin. Cela n'avait rien à voir avec le débat de l’homéopathie. Ce n’est pas mon affaire de savoir si les homéopathes sont des charlatans ou pas. Il s’agissait simplement pour nous de montrer que des confrères n’avaient pas à en insulter d'autres publiquement car cela discréditait la profession et était anti-confraternel. »
Le Dr Hugue se défend également des accusations de liens d'intérêts avec son éditeur. « Je n'ai aucun lien d’intérêt avec l’homéopathie au sens large. Les livres que j’écris sont sans rapport avec ce sujet », clame-t-il. « Je ne suis pas suffisamment connu pour aller chez Plon ou Gallimard, poursuit le Dr Hugue. Donc je suis très heureux d’avoir un éditeur qui accepte de me publier. Je n’ai aucun droit de regard sur ce qu'il publie. Je ne suis qu’un pauvre auteur. C’est un honneur qu’il me fait d’accepter une édition. »
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