On est stupéfait du degré auquel la bêtise humaine peut atteindre encore à la fin du dix-neuvième siècle quand on lit les débats étranges qui viennent de se dérouler devant les assises criminelles de Old Bailey.
Il existe en Angleterre une secte dont les adhérents s’engagent à n’appeler jamais de médecins mais à laisser l’œuvre de Dieu s’accomplir dans les maladies humaines sans combattre le mal.
Thomas George Senior appartient à cette secte. Il était accusé d’avoir laissé mourir un de ses enfants sans avoir eu recours aux soins d’un médecin ; il s’était contenté d’appeler un ancien de la secte qui, imposant ses mains sur la tête de l’enfant, avait prié pour lui. Les débats ont prouvé cependant que Senior s’était montré, en toute occasion, un bon père pour ses enfants et qu’il les aimait tendrement, ce qui ne l’avait pas empêché d’en laisser mourir six sans aucuns soins médicaux.
L’accusé a présenté sa défense : il a déclaré que sa conscience ne lui reprochait rien, qu’il mettait toute sa confiance dans les préceptes de l’Écriture sainte qu’on lui avait enseignés dans sa secte. Quand on était malade, il fallait appeler un ancien pour oindre d’huile le malade au nom du Seigneur, et le Seigneur opérait la guérison. Il avait été témoin de nombreuses guérisons ainsi obtenues. Et Senior répète des passages de l’Écriture sainte.
Le juge lui demande s’il veut engager pour l’avenir à appeler un médecin en cas de maladie dans sa famille. L’accusé répond qu’il ne saurait adopter une autre attitude.
Un second accusé, nommé Vince, appartenant à la même secte, passe ensuite en jugement, également accusé d’avoir laissé mourir un de ses enfants sans secours médicaux. Vince parle dans le même sens et refuse de s’engager à appeler un médecin.
Le jury les a reconnus tous deux coupables, mais le juge a réservé sa sentence jusqu’à demain.
Il y a là un fanatisme religieux d’autant plus terrible qu’il est plus calme et plus sincère. Nous entendrons encore parler des pratiques de cette secte ; mais la justice anglaise semble décidée à sévir énergiquement pour en arrêter les cruels résultats.
(« Le Matin » repris dans « La Chronique médicale », 1897)
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