Stupéfaction à Besançon: un anesthésiste suspecté de sept empoisonnements

Publié le 07/03/2017
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Crédit photo : clinique-saint-vincent.capio.fr

C'est une affaire invraisemblable qui secoue depuis lundi soir Besançon et qui -si les charges étaient confirmées rappelerait un peu la tragédie de Poitiers lors de l'affaire Diallo au début des années quatre-vingt. Entre 2008 et janvier 2017, sept patients, opérés à la Clinique Saint-Vincent et à la Polyclinique de Franche-Comté, deux établissements de Besançon, ont été victimes d'un arrêt cardiaque. Soupçonné de les avoir "empoisonnés avec préméditation" un médecin anesthésiste de 45 ans a été mis en examen sans la nuit de lundi à mardi, et placé sous contrôle judiciaire.

Selon le parquet, les victimes présumées, quatre femmes et trois hommes âgés de 37 à 53 ans, "n'avaient pas de prédispositions ou de fragilités particulières". Deux d'entre eux n'ont pu être réanimés : un homme de 53 ans, décédé en 2008 pendant une opération des reins, et une femme de 51 ans, décédée en 2016 au cours d'une opération pour une fracture.

"Fortes quantités de potassium"

Ce "n'est pas un accident", il s'agit "d'actes volontaires de nature à entraîner la mort", a estimé mardi le parquet, qui n'exclut pas de découvrir d'autres victimes. Les analyses toxicologiques réalisées dans des poches de soluté de réhydratation et de paracétamol, utilisées lors de l'opération de certaines des victimes, "ont permis de retrouver de fortes quantités de potassium où d'anesthésiques, à doses létales", a indiqué la vice-procureure Christine De Curraize lors d'une conférence de presse à Besançon. La nature et les doses introduites "sciemment" dans ces poches de perfusion, "là où normalement, elles n'ont pas lieu d'être", indiquent qu'"il ne pouvait s'agir que d'actes volontaires de nature à entraîner la mort des patients", a-t-elle ajouté, excluant catégoriquement l'hypothèse d'un accident.

Pour sa part, le praticien nie catégoriquement les faits. "Mon client conteste fondamentalement tout empoisonnement que ce soit. Il dit passer sa vie à réanimer les gens, pas à les tuer", a dit l'avocat de l'anesthésiste, Me Randall Schwerdorffer, à l'issue de son passage devant le juge de la détention et des libertés, qui a ordonné un placement sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer sa profession et l'obligation de verser une caution de 60 000 euros. Depuis sa présentation au juge, le médecin "est dans l'incompréhension totale des accusations portées à son encontre", a expliqué Me Schwerdorffer. "C'est un professionnel archireconnu, de grande qualité, qui pratique 2 000 anesthésies par an, et dont le métier est plus qu'un métier, c'est une passion", a-t-il affirmé, dénonçant une "accusation ahurissante et fragile".

Plusieurs plaintes dans les deux établissements

Une première information judiciaire avait été ouverte pour "homicide involontaire" afin de déterminer les circonstances du premier décès en 2008, puis la Clinique Saint-Vincent et l'ARS ont signalé "deux incidents graves ayant entraîné des problèmes cardiaques imprévus" au bloc opératoire de la clinique les 11 et 20 janvier derniers, entraînant l'ouverture d'une nouvelle instruction début 2017. La direction de la clinique a déposé plainte contre X après que les investigations ont "permis de déterminer les causes (ces) deux incidents", qui ont lieu en janvier, et dont elle n'a pas révélé l'origine.

À la Clinique Saint-Vincent, où le médecin anesthésiste exerçait jusqu'à sa présentation devant le juge, "une très grande partie du programme opératoire, non urgent, a été annulé aujourd'hui, car l'information a provoqué un choc émotionnel parmi les personnels qui doivent absorber le vif émoi que ça suscite", a confié la directrice de l'établissement, Valérie Fakhoury. Du côté de la Polyclinique de Franche-Comté, où le médecin a exercé "sur une courte période en 2009", "les circonstances de ces événements graves ont donné lieu à une enquête médicale interne", a indiqué dans un communiqué la commission médicale. L'établissement avait à l'époque averti "les autorités savantes du Centre hospitalier régional universitaire de Besançon et l’Agence régionale de santé", avant de déposer plainte. Depuis les incidents de 2009, "aucun fait de cette nature n’a été à déplorer à la Polyclinique de Franche-Comté", souligne l'établissement.


Source : lequotidiendumedecin.fr