Une deuxième famille de médecin généraliste décédé du coronavirus va porter plainte contre l'État pour dénoncer le manque de protections et obtenir réparation. L'avocat de la veuve du Dr Didier Benovici, médecin généraliste à Paris décédé le 2 mai à l'âge de 68 ans, porte plainte au nom de sa cliente pour « faute lourde de l'État ». Une information révélée dans l'émission C à vous (France 5) jeudi soir et confirmée au Généraliste par l'avocat de la famille Benovici, Me Frédéric Douchez.
Début juin, l'épouse du Dr Ali Djemoui, généraliste à Champigny-sur-Marne décédé du Covid-19 le 2 avril à l'âge de 59 ans, avait déjà porté plainte devant le tribunal de Créteil pour homicide involontaire contre la Direction générale des soins (DGS) et l'ARS Ile-de-France. Contrairement à l'avocat de la famille Djemoui Me Fabrice Di Vizio, Me Douchez ne porte pas plainte au pénal. « Nous engageons une plainte pour faute lourde et engageons l'inaptitude de l'État à assurer sa mission de santé publique », explique-t-il. L'avocat, qui est par ailleurs le conseil du syndicat de médecins libéraux UFML-S, estime qu'il serait « difficile de démontrer que tel ou tel ministre n'a pas eu d'action préventive et que c'est cela qui a entraîné la mort du Dr Benovici ».
Responsabilité collective de la nation
Faisant le parallèle avec les plaintes engagées par les familles de femmes assassinées par leur conjoint, il s'agit donc, selon l'avocat, de remettre en cause « la responsabilité collective de l'État », qui « n'a pas su protéger ces médecins libéraux de la contamination comme il n'a pas su protéger les femmes victimes de violences ».
Au micro de C à vous, l'épouse du médecin décédé, Dalila Benovici, a insisté sur les difficultés rencontrées par son mari pour se procurer des masques dès le début de l'épidémie. Celle qui travaillait auprès de son époux en tant qu'assistante raconte qu'une seule boîte de 50 masques chirurgicaux leur avait été distribuée début mars. « Mon mari en a donné quelques-uns à ses patients les plus fragiles puis il a commencé à recevoir des mails de l'ARS lui disant d'aller en chercher d'autres boîtes en pharmacie, mais en réalité il n'y en avait pas », affirme la veuve du Dr Benovici. L'avocat de la famille met de son côté personnellement en cause le Directeur général de la santé (DGS) le Pr Jérôme Salomon. « En matière de santé publique, l'organisme qui chapote la gestion des protections est la DGS. Or Jérôme Salomon était déjà conseiller de Marisol Touraine et elle avait laissé un stock de 754 millions de masques. Depuis trois ans, il est au ministère et aucun stock n'a été renouvelé », fustige Me Douchez.
Toujours pas de registre des médecins décédés
Il est également une nouvelle fois reproché au gouvernement de ne pas avoir créé de registre des médecins libéraux décédés du coronavirus. Interrogée sur C à vous sur le sujet, le Dr Anne Berger-Carbonne, médecin responsable de l'unité Infections associées aux soins et Résistance aux Antibiotiques au sein de Santé publique France, a rappelé qu'une centralisation des informations concernant les soignants décédés en établissements de soins était effectuée. Pour les libéraux, en revanche, « les données sont plus difficiles à obtenir car ce sont des professionnels qui exercent souvent de manière isolée », s'est-elle défendue. « Ces données arriveront un jour ou l'autre », a-t-elle promis sans conviction.
Alerté par la contamination de son frère, lui aussi médecin généraliste à Vincennes, « et souffrant d'une grande fatigue » selon son épouse, le Dr Didier Benovici avait été testé positif au Covid-19 fin mars. Hospitalisé depuis le début du mois d'avril, il est décédé le 2 mai. D'autres familles de victimes envisagent, selon Me Douchez, d'elles aussi porter plainte contre l'État. Selon les derniers chiffres communiqués par la Caisse autonome de retraite des médecins libéraux (Carmf), le dernier bilan fait état de 26 médecins en activité (dont 3 en cumul emploi-retraite) et de 20 praticiens retraités décédés du coronavirus en France (lire notre dossier).
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