Depuis l’adoption cet été de la loi visant à protéger les victimes des violences conjugales, le secret médical ne s’applique plus aux médecins qui alertent la justice des actes de cette nature. Tout praticien peut désormais signaler au procureur de la République des violences exercées au sein du couple « lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences ».
Dans un vade-mecum rendu public le 14 octobre, le ministère de la Justice explique concrètement la procédure à suivre. Réalisé en partenariat avec l’Ordre des médecins et la Haute Autorité de santé (HAS), ce document comprend notamment un modèle type de fiche de signalement précisant l’identité de la victime, les faits et doléances rapportés par cette dernière ainsi que la description précise de son examen clinique et psychique. Il est également précisé si la victime a donné ou non son accord au signalement.
Évaluer le danger immédiat
« Le médecin ou le professionnel de santé doit s’efforcer de recueillir l’accord de la victime majeure, précise l’Ordre dans une notice explicative. En cas d’impossibilité d’obtenir son aval, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République. » L’accord de la victime majeure n’est toutefois pas indispensable pour permettre au médecin de signaler les violences commises au sein du couple « dès lors qu’elle est en danger immédiat faisant craindre une issue fatale », rappelle l’Ordre.
Le vade-mecum indique au médecin, sous forme de questions, des critères d’évaluation du danger immédiat et de l’emprise. « La victime fait-elle état d’une multiplicité de violences (verbales, physiques, sexuelles ou psychologiques) et/ou d’une augmentation de la fréquence de ces dernières ? D’après elle, son partenaire a-t-il eu connaissance de son projet de séparation ? S’il y a présence d’enfants, évoque-t-elle des violences de la part de son partenaire ou de son ancien partenaire envers ces derniers ? La victime craint-elle de nouvelles violences ? »
La nature de l’emprise est également évaluée par le médecin, ce dernier étant invité à interroger la patiente pour savoir « si elle se sent sous surveillance permanente ou harcelée moralement ou sexuellement ». Le document reprend la récente recommandation de bonne pratique de la HAS.
Mettre les victimes à l’abri
Interrogé par Le Généraliste, le Dr Gilles Lazimi, médecin de famille en Seine-Saint-Denis et membre de SOS Femmes 93, estime que le nouveau dispositif peut être positif à condition que la police, la justice et les associations aient les moyens de mettre les femmes à l’abri très rapidement. La procédure prévoit que le procureur saisisse en urgence l’association d’aide aux victimes agréée pour porter assistance à la personne « dans les meilleurs délais » et propose un accompagnement permettant la mise en sécurité de la victime et de ses enfants.
Le Dr Lazimi estime également primordial d’obtenir le consentement de la victime. Sinon, la procédure pourrait avoir un effet pervers en faisant penser aux femmes que les praticiens procéderont à un signalement contre leur gré. Cela risquerait d’entraîner un certain nombre d’entre elles à ne pas se confier. « Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi », résume le généraliste, reprenant une célèbre citation de Gandhi.
Les résultats insuffisants du Grenelle
Estimant insuffisantes les avancées obtenues lors du Grenelle contre les violences conjugales, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) demande un nouveau plan interministériel « ambitieux ». Dans un récent rapport révélé par Le Monde, le HCE formule 44 recommandations pour « mieux protéger les femmes ». Il propose d'expérimenter le dépôt de plainte dans les associations spécialisées, de privilégier l’éviction du conjoint du domicile, ou encore d’avoir un centre d’accueil spécialisé dans chaque département.
Plus de 210 000 femmes subissent des violences conjugales chaque année – 146 ont été tuées par leur compagnon en 2019. En 2018, 108 420 femmes victimes étaient connues des forces de l’ordre après une intervention à domicile ou un dépôt de plainte ou de main courante, mais seuls 17 % des auteurs ont été condamnés, rappelle le rapport.
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