La sonnette de nuit ! Ainsi que le signalait dernièrement une revue anglaise, cet épisode de la pratique médicale fournirait un amusant essai de psychologie : « De l’état d’âme du médecin réveillé pour une urgence ». À l’hôpital, il y a un interne de garde ; celui-là est averti qu’il dormira mal. Bah ! il se rattrapera la nuit suivante. C’est un bon sommeil compromis à peu près une fois par semaine. Mais, en clientèle, c’est différent. En clientèle, chaque nuit est menacée d’un appel, chaque nuit cette menace peut s’exécuter.
À minuit, à une heure, à n’importe quelle heure, la sonnette retentit, et « médecin de quartier » faisant les visites à pied, son parapluie sous le bras, fourbu d’avoir grimpé des escaliers fantasques, « médecin de campagne » cahoté plus ou moins bien, tout le jour, par la « 6-chevaux » devenue classique, bondissent à son appel.
On hésite à réveiller un professeur de la Faculté, on le consulte, on ne l’appelle pas pour une indisposition subite dont la nuit exaspère les symptômes ; sa haute situation lui confère le droit au sommeil. Le repos du petit médecin est moins sacré.
Alors, le docteur se lève à la hâte, s’habille de travers. La rue est pleine de boue, les becs de gaz clignotent au travers du brouillard… Allons, la visite est payée dix francs !
Tristan Bernard retraçait fort bien, il y a quelques années, ces pénibles « Visites de nuit ». Une famille de petits-bourgeois dont « l’enfant respirait mal » a fait lever un médecin. Ce dernier examine l’enfant, il affirme qu’il n’a rien, il veut partir. Mais les parents tiennent à n’avoir pas fait une dépense inutile ; à une heure du matin, ils consultent, pour eux, pour leurs cheveux qui tombent, pour leur bonne enrhumée… Et le pauvre diable se sauve, bienheureux d’être payé !
À la campagne, autres scènes. Le médecin du pays ne dort jamais les jours de frairie. « Drin ! M’sieu, c’est pour le marié de tantôt, il a une barre sur l’estomac ». « Drin ! M’sieu, ça tortille le beau-père, venez vite ! » « Drin ! C’est un accouchement à Vauxelles où la sage-femme dit qu’elle ne comprend rien ! »
Et, cependant, ce dernier esclave de la sonnette de nuit est moins à plaindre que l’autre. Il achève de se réveiller sous le plein ciel, dans la campagne d’automne où les arbres sont toujours vivants. Ce plaisir artistique, il ne le goûte peut-être pas tout de suite ; sans qu’il s’en rende compte, le spectacle reposant agit sur lui. C’est pourquoi un médecin anglais souhaiterait toujours être réveillé à l’aurore, « le plus doux moment » («The Hospital », 1911).
À propos, à quelle heure vaut-il mieux entendre la sonnette de nuit ? Il y aurait là un intéressant référendum à faire.
(Suzanne Dejust-Defiol, « Paris Médical », 1911)
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