En salle de pause, une histoire cocasse d’hôpital est relatée. Une jeune femme arrive aux urgences le ventre gonflé et tout tendu. Lors de l’examen clinique, on découvre qu’elle vient de s’enfiler coup sur coup des dizaines de Big Mac. « Et puis soudainement, son ventre… explose littéralement ! » s’exclame l'orateur dans un fou rire. « Et alors ? Elle est morte ? », lui demande-t-on. « Oui. » Hilarité générale. à quelques minutes du début du film, la scène achève de poser le décor.
Dans un univers macabre où les soignants côtoient chaque jour la maladie et la mort, le rire s’érige en protecteur privilégié. La préoccupation des patients ne quitte pourtant jamais Simon, un pneumologue interprété par Jérémie Renier, quasi-quadragénaire sans vie privée. Dans le désordre ambiant, la « juste » distance émotionnelle, fragile, l’aide à remettre les choses en ordre... celui des médecins. Une éthique assurée guide ses actes et sa manière de former les plus jeunes. à une interne qui rumine son sentiment d’impuissance face aux patients en fin de vie, il dit : c’est normal de tels états d’âme, mais ça n’aide pas. Ce n’est pas pour elle qu’elle doit agir, « mais pour eux ».
Mais lorsqu’en pleine rechute d’un cancer, sa mère pénètre à son tour l’enceinte de l’hôpital, la barrière émotionnelle se fissure. De l’autre côté du mur, celui du patient, c’est le désordre, où règnent sentiment d’impuissance, déni, peur, pression des proches remplis d’attentes. Plus possible de rire de la mort qui désormais l’approche personnellement. Plus possible de respecter calmement le désir d’une mourante d’échapper au scalpel, « trop fatiguée pour cela » et satisfaite d’une vie accomplie.
Quand la sagesse change de camp
L’abnégation tant prônée devient impraticable. La « sagesse » médicale se mue en obsession guérisseuse, souvent rabat-joie. Elle contraste avec la patiente, véritable héroïne dont l’humeur positive et contagieuse demeure miraculeusement intacte. Sa mère malade, sa leçon de vie.
Après les films et séries sur le corps médical – « Première année », « Hypocrate » –, ce premier long métrage de David Roux intègre la lignée des œuvres aujourd’hui en vogue sur cet univers. Si on peut regretter le manque de relief des personnages secondaires, la virtuosité de l’acteur Jérémie Renier nous fait plonger tête baissée dans l’histoire de son personnage.
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