Urgences : hospitaliers et libéraux proposent leurs pistes pour sortir de la crise

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Publié le 15/10/2019
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Quel hôpital demain ? Telle était la question posée lors d'un débat organisé ce mardi par le Conseil national de l'Ordre des médecins à son siège. Et inévitablement, la question des urgences, toujours en crise — 267 services en grève au 14 octobre selon le collectif Inter-urgences —, a longuement été évoquée. 

50 consultations par jour, du « mauvais travail »

Lamine Gharbi, président de la FHP (Fédération de l'hospitalisation privée) a ainsi fait part de son incompréhension quant à l'engorgement des services d'urgence. Selon lui, les établissements privés sont prêts à accueillir davantage de patients. « Sur les mille cliniques du territoire, 120 sont labélisées "service d’urgence". Si nous divisons les 3 millions de patients que nous prenons en charge par 120, cela fait environ 50 patients par 24 heures, a-t-il observé. Je dis une chose simple : on peut faire plus. Et simplement. On pourrait, sans renforcer les moyens, prendre 80 à100 patients en charge. 50 patients, c’est ce que fait un médecin dans son cabinet de ville ».

Le président de la FHP a donc « tendu la main » à l'hôpital public, précisant ne pas vouloir « se substituer à celui-ci » et soulignant que le secteur privé avait aussi vocation à « avoir une gestion de service public ».

Le chiffre de 50 patients par jour a fait réagir plusieurs personnes dans la salle. Le Dr Marie-Christine Rossignol, généraliste et présidente de l'Ordre du Tarn-et-Garonne, a expliqué qu'un omnipraticien « qui ferait 50 actes par jour ferait du mauvais travail ». « Ce n'est pas ça la médecine », a-t-elle poursuivi, avant de se lancer dans un plaidoyer pour une médecine du temps. 

« Il faut se demander si la bonne médecine se fait en urgence, si le patient a le droit de tout demander, tout le temps, car c’est gratuit et qu’il y a une lumière allumée 24h/24 », a interrogé le Dr Rossignol. « C’est un choix qui a été fait (…) d’organiser tout le système de santé autour de l’urgence. Il faut qu’on en sorte », a ensuite diagnostiqué la praticienne. 

Plus de moyens pour le domicile 

Antoine Perrin, président de la FEHAP (Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés non lucratifs) a quant à lui estimé que « créer plus de services » ne permettrait pas de régler le problème des urgences.

Pour lui, davantage de moyens doivent être mis pour prendre en charge les Français à leur domicile et ainsi éviter des passages inutiles aux urgences. « L’afflux qui pose le plus de problèmes est celui de personnes polypathologiques âgées, qui basculent dans la décompensation en raison d'une insuffisance de prévention et d’accompagnement à domicile », a-t-il expliqué, précisant qu'il « ne jetait la pierre à personne ». Selon lui, le plan urgences d'Agnès Buzyn ne traite pas suffisamment l'amont. « Il faudrait que ce plan impacte les acteurs du domicile (aides soignantes, services d’aide à domicile) qui sont la première ligne de la santé — pas forcément du soin — du suivi des personnes en précarité à leur domicile », a ajouté Antoine Perrin.

Le député (LREM) et urgentiste Thomas Mesnier, chargé avec le Pr Pierre Carli par Agnès Buzyn de rendre un rapport sur les urgences, a réfuté l'idée selon laquelle le système de santé s'organiserait « autour de l'urgence ». « Je pense que ce sont les Francais qui l’utilisent de façon un peu différente », a-t-il estimé. Et ce notamment en raison d'un « déficit de temps médical, notamment en ville »« Cela les pousse à se tourner vers les urgences où la lumière est allumée et où on finit par avoir une médecine de l’aigue, immédiate, qu’on consomme », analyse Thomas Mesnier.

Et le député de mettre en avant la création prochaine du service d'accès aux soins (SAS). « Toute l’idée du SAS est de dire : "Vous avez un besoin de santé (…) vous ne savez pas où aller à part aux urgences : appelez ce numéro, allez sur cette plateforme en ligne. On vous orientera et on organisera votre parcours de soins" », fait valoir Thomas Mesnier. « L’idée est justement de ne pas passer par les urgences, de les éviter dès que possible », conclut-il.

Le débat en intégralité :


Source : lequotidiendumedecin.fr