Les syndicats médicaux et l'Assurance-maladie parviendront-ils à un compromis avant Noël sur l'avenant n° 9 à la convention ? Cet objectif initial s'est définitivement éloigné depuis que la caisse a dévoilé son jeu, la semaine dernière.
Soins non programmés, revalorisations ciblées de spécialités cliniques, visites gériatriques, contrats OPTAM, usages numériques : la CNAM a détaillé une batterie de mesures pour un montant total de 549 millions d'euros sur deux ans (lire ci-dessous). Même si la mise de départ (autour de 300 millions) a été augmentée, les syndicats jugent cet investissement très insuffisant – tous réclamant une enveloppe comprise entre un milliard et deux milliards d'euros au titre de ce « Ségur ambulatoire ».
Bilatérales
Officiellement, la CNAM veut croire que les réunions bilatérales qu'elle convoque cette semaine permettront de faire bouger les lignes. Mais la réalité est que les syndicats ne sont pas disposés à engager leur signature sur un texte jugé « loin du compte ».
MG France et Le BLOC ont réclamé ouvertement un report de ces négociations après les élections professionnelles aux URPS (du 31 mars au 7 avril), pariant que le verdict des urnes donnera du poids à leurs revendications. La CSMF, qui a claqué la porte des négos en octobre, a mis la barre très haut pour revenir dans le jeu. Et politiquement, aucune organisation ne prendra le risque d'un paraphe solitaire. L'équation semble insoluble pour valider un accord maintenant avec au moins deux syndicats… C'est pourquoi, parmi les scénarios, la CNAM envisage elle-même une « pause » des négociations en cas de blocage, et une finalisation après le scrutin syndical du printemps.
Sur deux jambes
Outre la campagne électorale qui durcit les positions, les milliards accordés aux personnels hospitaliers ont nourri un sentiment d'injustice chez les libéraux, également au front depuis des mois dans la crise sanitaire. Et dans ce contexte, le report du terme de la convention actuelle jusqu’en 2023, au-delà de la présidentielle, renvoyant à trois ans toute revalorisation d'ampleur sur la consultation, a été vécu comme une autre douche froide. « Si on veut un système de santé qui marche sur ses deux jambes, cet avenant doit apporter des compléments financiers substantiels pour la ville maintenant. Or, ce n'est pas le cas », résume le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.
La CSMF a fait ses calculs. « Si on met à part les financements prévus pour le numérique en santé et les soins non programmés, les revalorisations tarifaires pures s'élèvent à 225 millions d'euros. L'acte de base des psychiatres augmenterait de deux euros, soit une hausse de 5 % sur sept ans, de 2016 à 2023… Ces évolutions tarifaires sont totalement insuffisantes pour toutes les spécialités », constate le président Jean-Paul Ortiz, estimant que « le gouvernement n'a pas pris la mesure de la crise de la médecine libérale ».
Illisible
À cet égard, la revalorisation des visites gériatriques à domicile, pourtant revendiquée de longue date, est jugée par les syndicats à la fois « trop faible » et « trop complexe » avec des niveaux de tarifs variables en fonction de l'âge. « On attendait un geste très fort. J'ai demandé une visite longue pour tout le monde », avance le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF.
Même déception sur la prise en charge des soins non programmés, mission confiée à la médecine libérale pour gérer les consultations imprévues. Le SML refuse les forfaits trimestriels à l'activité proposés par la caisse, jugés illisibles. Plusieurs syndicats réclament l'accès à la majoration régulation médecin traitant (MRT, 15 euros) pour ces soins non programmés. Mais la CNAM juge cette approche « déraisonnable ».
Du côté des spécialistes sur plateaux techniques, Le BLOC refuse l'évolution proposée pour les contrats de modération tarifaire (OPTAM et OPTAM-CO), avec des tarifs calculés sur une moyenne des honoraires 2013 alors que le coût de la pratique a bondi. « Si la CNAM ne change pas, des médecins vont quitter ces contrats », alerte le Dr Philippe Cuq, vice-président du BLOC, qui dénonce « l'erreur politique » d'avoir fait un avenant à quatre mois des élections professionnelles.
Face à ces attentes fortes, les marges de manœuvre de l'Assurance-maladie sont désormais restreintes, à moins d'un nouvel arbitrage budgétaire du gouvernement.
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