Voilà un texte qui risque de crisper les rapports entre l'Assurance-maladie et les professionnels de santé libéraux. Passé quasiment inaperçu, un décret publié au « Journal Officiel » du 29 novembre fixe la « procédure de déconventionnement exceptionnel », dite « en urgence », que peut mettre en œuvre une caisse primaire d'assurance maladie à l'encontre de tout professionnel de santé libéral (médecin, infirmier, pharmacien) « ayant commis une violation des engagements prévus par la convention particulièrement grave ou ayant engendré un préjudice financier pour l'organisme » – notamment dans les cas de de nature à justifier le dépôt d'une plainte pénale.
En cas de pratiques tarifaires abusives ou frauduleuses (cotations fictives, multiplication d'actes, dépassements répétés non autorisés, détournement de nomenclature, etc.) mais aussi de prescriptions illicites (médicaments, arrêts de travail, transports, etc.) , le directeur de la caisse où exerce le médecin peut décider de le déconventionner « pour une durée qui ne peut excéder trois mois ». Le directeur de la CPAM communique au professionnel un courrier indiquant les faits reprochés, la mesure de suspension envisagée et sa durée, et engage parallèlement la procédure de déconventionnement.
Huit à 15 jours pour répondre
Le professionnel dispose d'un délai de « huit jours » à compter de la date de notification du courrier pour demander à être entendu. Il peut être assisté de la personne de son choix ou présenter des observations écrites dans un délai de quinze jours.
C'est sur la base de l'audition ou des observations du praticien que le directeur de la caisse peut, à son tour dans un délai de quinze jours, décider d'abandonner la procédure ou de suspendre les effets de la convention à l'égard du médecin pour une durée qu'il fixe, « dans la limite de trois mois ». Cette décision doit être prise après l'avis du directeur général de l'UNCAM (ou de son représentant).
Décourager les jeunes
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) a aussitôt dénoncé une « procédure d’exception » à l’heure où, par ailleurs, a été instauré le droit à l’erreur la loi. « Les délais qui sont laissés aux professionnels pour se défendre sont particulièrement courts et, surtout, cette suspension conventionnelle peut être prononcée sans que les commissions paritaires soient consultées », s'indigne la centrale.
Secrétaire générale du SML, en charge des plateaux techniques lourds, le Dr Sophie Bauer conteste une procédure qui met à mal le dialogue conventionnel. « La nomenclature est complexe, voire illisible, souligne la chirurgienne. Il peut y avoir des erreurs de cotation, un problème de paramétrage du logiciel. Le médecin peut se retrouver déconventionné alors qu'il n'a même pas le temps de s'expliquer. Les commissions paritaires ne servent plus à rien. »
La publication de ce décret sur le déconventionnement exceptionnel des libéraux serait d'autant plus « incompréhensible » que l'expérimentation des nouvelles commissions de conciliation depuis avril 2018 dans 13 caisses primaires a plutôt bien fonctionné. Ces instances composées de praticiens conseils et de médecins syndiqués membres de la commission paritaire locale invitent les médecins à s'expliquer sur diverses anomalies repérées dans leur activité ou leurs prescriptions, en amont de toute sanction.
Selon le Dr Bauer, « ces commissions ont montré leur efficacité ». « Des médecins mal à l'aise avec la nomenclature par exemple sont rentrés dans les clous, grâce à un accompagnement confraternel. Nous demandons la généralisation de ces commissions et la suppression du décret, qui va encore décourager les jeunes à s'installer ».
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