QUOTIDIEN DU MEDECIN : Trois syndicats sur six ont signé l'avenant 9 en juillet dernier. Est-ce un semi-échec ?
THOMAS FATÔME : Je considère plutôt que c'est un succès ! Les centrales syndicales majoritaires ont signé. L'UFML-S et la FMF avaient dit, dès le début, qu'elles ne signeraient pas cet avenant, sauf sur des bases extravagantes. Cet accord permet de relancer la machine conventionnelle dans une période particulière et difficile et je m'en réjouis.
Cet accord comporte une enveloppe de 800 millions d'euros. C'est à la fois beaucoup pour un avenant et peu par rapport au Ségur hospitalier. Comprenez-vous la déception de la médecine de ville ?
Sans crise sanitaire, nous aurions négocié une sorte d'avenant d'attente avec une enveloppe bien moindre, dans la perspective de la prochaine convention médicale. Un avenant conventionnel à près de 800 millions d'euros est inédit ! La comparaison entre cet accord et le « Ségur » qui comporte des mesures qui touchent les médecins, les paramédicaux mais aussi des investissements à l'hôpital doit vraiment être relativisée.
De fait, l'avenant prévoit des revalorisations ciblées. Combien de médecins sont concernés ?
Les revalorisations concernent la majorité des généralistes qui font des visites à domicile et des spécialistes via l'APC (avis ponctuel de consultant, Ndlr). Il y a toujours des déçus. Mais j'assume les priorités qui consistent à revaloriser de manière plus conséquente la prise en charge des enfants et la santé mentale, et donc les pédiatres et les psychiatres libéraux. Je n'ai pas le sentiment d'avoir oublié des champs ou des spécialités qui justifieraient des revalorisations rapides.
La visite longue du médecin traitant à 70 euros a été élargie aux plus de 80 ans en ALD. Pourquoi ce choix plutôt que de revaloriser les visites en général ?
Il y a une priorité de santé publique au maintien des personnes âgées à domicile. Cela permet de prévenir la perte d'autonomie, d'éviter l'institutionnalisation et d'assurer le suivi des soins chez la personne.
Du coup, SOS médecins menace d'arrêter les activités. Comment réagissez-vous ?
Dans le cadre de la négociation de l'avenant, j'ai reçu à deux reprises SOS médecins. Le dialogue est donc là et il va se poursuivre dans les prochains jours. D'ores et déjà, je peux vous dire que les médecins de cette association pourront aussi être concernés par une mesure d'accompagnement de l'avenant qui revalorise la permanence des soins ambulatoires. Par ailleurs, dans le cadre du service d'accès aux soins (SAS), cette organisation a toute sa place dans la prise en charge des soins non programmés.
La CNAM entend en effet revaloriser la permanence des soins ambulatoires (PDSA) et en établissement (PDSES). Comment ?
C'est une mesure d'accompagnement de l'avenant. Nous avions prévu de revaloriser à compter du 1er septembre les tarifs d'astreinte des spécialistes qui assurent la permanence des soins en établissements de santé. Un arrêté ministériel sera publié dans les prochains jours pour acter cette mesure qui coûte 10 millions d'euros par an à la CNAM. Dans ce cadre-là, une mesure avec une enveloppe équivalente pour la permanence des soins ambulatoires est aussi actée. Est-ce qu'il faut revaloriser les astreintes ou agir sur les forfaits de l'effection ? La discussion va être rapidement ouverte.
Les Généralistes-CSMF appellent déjà à boycotter le SAS pour la prise en charge des soins non programmés. MG France estime que le mode de calcul pour la rémunération des effecteurs est trop complexe. Craignez-vous un échec du lancement ?
Le dispositif vise d'abord à consolider la régulation : 90 euros de l'heure pour le régulateur avec la prise en charge des cotisations sociales est un tarif attractif.
Pour l'effection, on demande aux médecins qui veulent participer au SAS d'ouvrir leur agenda sur une part très limitée, deux heures par semaine, pour faciliter les prises de rendez-vous des soins non programmés. En contrepartie, ils touchent une rémunération forfaitaire pour cet effort supplémentaire.
J'avais prévenu les syndicats que je ne souhaitais pas rémunérer l'effection à l'acte dans le cadre des soins non programmés ; tout simplement parce qu’ils en font déjà beaucoup dans leur exercice quotidien. Je suis aussi opposé à tout système qui viserait à figer des créneaux dans l'agenda des médecins et à les indemniser même s'ils ne sont pas pris. Ce serait une folie de vouloir figer ainsi du temps médical alors qu’on en a tant besoin. Notre objectif est la transparence, la disponibilité, l'inscription volontaire dans le dispositif et une rémunération adaptée. En revanche, les médecins qui feront l’effort de prendre un patient envoyé par la régulation en sus de leur journée de travail bénéficieront bien d’une rémunération complémentaire proche de 15 € par patient. Un avenant est un contrat et je n'imagine pas les organisations signataires ne pas soutenir la mise en œuvre de ce qu'ils ont signé.
Les discussions tarifaires vont-elles se poursuivre avec d’autres spécialités ?
J'ai indiqué au président de la Fédération nationale des médecins radiologues que nous souhaitions relancer une négociation sur un protocole pluriannuel. Dès la signature de ce protocole, l'Assurance-maladie suggérera au gouvernement de supprimer la disposition que nous permet de baisser unilatéralement les tarifs. Nous allons engager la discussion au plus vite pour aboutir avant le débat du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale à la fin du mois d’octobre.
Une enveloppe de 100 millions d'euros va être versée aux éditeurs de logiciels médicaux. Pour quoi faire ? Quelles garanties exigez-vous ?
Les éditeurs qui sont intéressés devront respecter un cahier des charges strict et précis, publié officiellement le 11 août 2021, pour leur logiciel-métier. Celui-ci définit des garanties en termes de maintenance, d'évolution et de portabilité. Les éditeurs, proposant des logiciels respectant ce cahier des charges, permettant aux médecins d'utiliser de nouveaux services comme la e-prescription, l'appli carte Vitale, la messagerie sécurisée recevront un label « Ségur » et pourront percevoir une aide financière de la CNAM.
Des CPAM réclament actuellement des trop-perçus pour les indemnisations pour perte d’activité. Comment cela est-il possible ?
Je rappelle que dispositif a constitué une aide très importante pour les médecins libéraux puisque 540 millions d’euros leur ont été versés, soit en moyenne 7 000 euros par praticien. Au printemps 2020, nous avions souhaité aller vite pour que les praticiens n’aient pas à subir de difficultés trop importantes de trésorerie en raison du confinement. C’est pourquoi nous avons mis en place un mécanisme d’avance sur une base déclarative de la perte d’activité. La contrepartie logique et légale étant qu’il est nécessaire d’opérer des vérifications et de consolider les comptes dans un second temps. C’est ce que nous avons fait cet été. Ainsi 155 millions d’euros supplémentaires ont été versés en juin et juillet à plus de la moitié des médecins. Aujourd’hui nous sommes effectivement en train de notifier des trop-perçus pour un montant global de 60 millions d’euros aux médecins qui, de bonne foi, avaient mal estimé leur demande d’avance.
Nous avons un discours de transparence et d’explication comme nous le demandent les syndicats car il est vrai que le dispositif est complexe. Tous les praticiens auxquels une somme importante est réclamée ont d’ores et déjà été contactés téléphoniquement par leur caisse pour leur expliquer le calcul. Nous allongeons également la période de remboursement des indus qui pourra s’échelonner sur 12 mois.
En revanche, je trouve que ceux qui parlent d'« arnaque » ou de « marché de dupes » vont trop loin. Nous appliquons simplement les règles du jeu. Il serait aussi inéquitable pour ceux qui avaient peu demandé qu’on ne réclame pas les trop-perçus aux autres.
Quand les négociations interprofessionnelles reprendront-elles ?
Nous avons un triptyque de négociations à relancer très prochainement : l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), celui sur les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) et celui sur les centres de santé. Nous avons déjà beaucoup avancé, notamment sur le premier sujet. Ces discussions devraient aboutir avant la fin de l’automne car plusieurs organisations professionnelles m’ont d’ores et déjà indiqué vouloir avancer rapidement et les sujets sont déjà bien instruits. Donc on peut aller vite !
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