« Ni dans le déni, ni dans la naïveté. » Le directeur général de l'Assurance-maladie (CNAM) Nicolas Revel, auditionné par la commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales à l'Assemblée nationale, a assuré aux députés que cet enjeu était pris « très au sérieux », tout en affichant sa volonté de revenir à la juste réalité des chiffres.
« Lutter contre la fraude et payer à bon droit est une obligation pour tout gestionnaire public », a souligné Nicolas Revel. L'an dernier, 287 millions d'euros de fraudes ont été détectés et stoppés par les services de l'Assurance-maladie – contre 261,2 millions d'euros en 2018 – et ce dans un contexte de réduction des effectifs au fil des conventions d'objectifs et de gestion (COG), souligne Nicolas Revel.
Alors qu'un conseiller de la Cour des comptes, Jean-Pierre Viola, regrettait récemment devant la même commission d'enquête que la branche maladie ne puisse pas évaluer toute la réalité de la fraude, le DG de la CNAM a assuré qu'une telle évaluation serait « compliquée », au regard de la palette énorme de prestations versées et du nombre d'actes dans les différentes nomenclatures (notamment médicale).
44 millions de cartes Vitale supprimées en 15 ans
La fraude peut-elle représenter 10 % des dépenses maladie, comme le prétendait une étude de 2010 de l'université de Portsmouth ? « Je ne vois pas comment ceci peut correspondre à une réalité. Deux tiers des dépenses de l'Assurance-maladie se concentrent sur les maladies chroniques, les pathologies lourdes et le grand âge : cela voudrait dire qu'un peu plus de 10 % de nos traitements pour cancer, soins aux personnes âgées en EHPAD ou des consultations de médecin généraliste seraient frauduleuses », a réfuté Nicolas Revel.
Recadré également, le nombre de cartes Vitale en circulation... Alors que l'an dernier, certains chiffrages fantaisistes évoquaient jusqu'à 84 millions de cartes actives, il y a actuellement 58,4 millions de cartes Vitale pour 59 millions d'assurés de plus de 16 ans, a précisé Nicolas Revel. « Il s'agit d'une situation maîtrisée, construite au long cours, puisqu'en quinze ans, 44 millions de cartes Vitales ont été supprimées », rappelle le patron de la CNAM.
Le phénomène doit être rapporté à sa juste proportion : en 2019, seules 330 000 feuilles de soins ont été présentées au remboursement à partir de cartes « en anomalie », soit 0,023 % des feuilles de soins électroniques. Les deux tiers de ces abus ont été stoppés et 100 000 ont été réglés, pour un montant de quatre millions d'euros.
La tentation de série d'actes...
Au-delà des chiffres, l'Assurance-maladie a rappelé que le principal sujet en termes de fraudes, d'abus et de fautes était « la facturation de prestations de soins par les professionnels de santé et les offreurs de soins », que ce soit la surdélivrance d'actes, des fautes sur la tarification à l'activité dans les établissements ou des actes fictifs.
« Une situation de surdensité médicale dans certains départements, en infirmiers ou masseurs-kinésithérapeutes, peut mener à la tentation de faire des séries d'actes qui peuvent défier l'entendement (...). Après, il faut toujours regarder les choses de plus près, certains professionnels travaillent énormément et ont une organisation qui les amène à faire beaucoup d'actes, d'ailleurs c'est aussi ce qu'on leur demande en ce moment. Donc un médecin superactif n'est pas fraudeur pour autant », a recadré Nicolas Revel.
Les fraudes à l'Assurance-maladie sont mises à jour régulièrement via une cartographie des risques. « On liste la totalité des fraudes et on établit leur possibilité d'apparition, précise le Dr Catherine Bismuth, directrice du contentieux et de la répression des fraudes à l'assurance-maladie. Cette cartographie a été réactualisée en 2018 sur deux gros postes, la T2A et la CMU-C, et en 2019 sur les infirmiers et les transporteurs sanitaires. »
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