La démographie médicale n’est pas seulement concernée par le désintérêt des jeunes médecins pour l’exercice libéral. Elle affronte aussi la problématique de centaines de praticiens installés qui, chaque année, décident de dévisser leur plaque bien avant l’âge de la retraite. Usure, burn-out, paperasse, revenus insuffisants au regard de la charge de travail...: les raisons ne manquent pas. Comment endiguer l’arrêt prématuré de l’exercice ?
Les médecins libéraux qui « dévissent », « déplaquent », ou « décrochent », sont une réalité mesurable, même si le sujet est très peu traité. En 2013, précise l’Ordre national des médecins, 724 praticiens (903 en 2010) ont démonté leur plaque prématurément, c’est à dire bien avant l’âge de la retraite.À 46 ans en moyenne, contre 54 ans en 2010. Plus de la moitié d’entre eux exerçaient la médecine générale.
L’attrait du salariat et du remplacement
S’ils ont abandonné l’exercice libéral initialement choisi, ces praticiens ont très majoritairement un projet alternatif. 58 % d’entre eux exercent une nouvelle activité régulière, salariée dans plus de 80 % des cas. 24 % sont désormais remplaçants, et seuls 17,5 % sont temporairement sans activité.
Le profil du médecin qui dévisse ? Une femme dans 51,5 % des cas, qui exerce le plus souvent dans une région à forte densité : 15,5 % en Ile-de-France, 11,6 % en Rhône-Alpes, et 11,3 % en PACA.
Dès 2010, l’Ordre a demandé à ces praticiens ce qui les avait poussés à franchir le pas. Les motifs principaux sont les charges financières trop lourdes, le temps de travail jugé excessif, les tâches administratives trop pesantes. « 30 % d’entre eux ont fait allusion à un burn-out et à la dévalorisation de la profession », précise l’institution ordinale.
Ces praticiens comptent quelques représentants célèbres. Le Dr Borée avait écrit en 2012 un livre intitulé « Loin des villes, proche des gens » (City Éditions). L’année suivante, après 8 ans d’exercice à la campagne, il dévisse sa plaque. « Les cinémas à 40 minutes, la gare principale à 1H20, les grandes villes à plus de 2 heures de route » ont eu raison de son militantisme rural. Autre exemple : le Dr Paul Le Meut, ancien généraliste libéral, aujourd’hui coordonnateur en EHPAD. En 2010, il déplaque, « épuisé », après 22 ans de libéral. Lui aussi a écrit un livre, « Médecine générale, courage, fuyons » (Ed. Perce-Mémoire), dans lequel il explique qu’il était las de se sentir « cadre supérieur au rabais ».
« Mon métier m’échappe »
Il y a surtout la foule des médecins anonymes.
Le Dr G. déplaquera le 30 juin pour la deuxième fois de sa vie. En 2002, déçu par ses conditions d’exercice, il a fermé son cabinet pour le salariat en clinique. En 2009, il a repris du service en libéral dans un cabinet de groupe, dans les Pyrénées Orientales. Mais cet été, il arrêtera à nouveau, et partira en Chine avec femme et enfant ! À 49 ans, il deviendra salarié d’un centre médical géré par une entreprise occidentale pour soigner des expatriés. « Mon métier m’échappe », confie-t-il au « Quotidien », parlant d’une mainmise des agences régionales de santé (ARS) et des caisses sur son exercice, qui l’empêche de pratiquer comme il le veut. Le Dr G. se sent en burn-out depuis deux ans. « Je m’énerve pour un rien, je suis sous pression, arrêter ça, c’est du sauvetage ». Il est sûr de ne jamais revenir exercer en France, « ou alors hors convention ».
Le président de la CSMF, le Dr Jean-Paul Ortiz, met ce phénomène en perspective. « C’est vrai que chaque année, des praticiens libéraux déplaquent. Mais chaque année aussi, des libéraux arrivent à l’âge de la retraite et poursuivent quand même leur activité. Nous exerçons un métier passion, pour certains, il est difficile de raccrocher brutalement ». Les chiffres de la CARMF lui donnent raison. Au cours de l’année 2013, 45,9 % des libéraux partis à la retraite l’ont fait après la date à laquelle ils avaient droit au taux plein.
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