« Vous voyez, je fais tout à l’envers ! » À l’âge où la plupart des médecins songent à raccrocher leur stéthoscope, le Dr Régine Serra Castro, 67 ans, vient de s’installer comme généraliste à Sévignacq (Béarn), commune des Pyrénées-Atlantiques de 750 habitants.
« Je ne me voyais pas ne rien faire, explique-t-elle. Mon métier, c’est ma joie. Il m’a beaucoup apporté, dans toutes les difficultés de ma vie. » Paloise, née dans une famille à l’éducation « rigoureuse et macho où l'on ne payait pas les études à une fille », elle entre à la faculté de médecine de Bordeaux en cumulant les petits boulots. Interne le jour, infirmière ou aide-soignante la nuit, elle habite dans un garage.
Une histoire de chèvre
Malgré tout, elle entame un cursus de cardiologie qu’elle ne finit pas pour élever ses enfants ; à la satisfaction d’un de ses enseignants qui lui déclare : « La chèvre doit brouter où elle est attachée. »
Elle décide finalement de passer une thèse de médecine générale en 1975 et s'installe à Garlin (Pyrénées-Atlantiques). Elle y restera 22 ans. Jusqu’au jour où elle décide de reprendre son cursus cardio et passe un DIU d’échocardiographie. Son parcours atypique dérange, mais elle franchit toutes les épreuves. Reçue en 2010 avec félicitations, elle travaille ensuite dans différents cabinets, cliniques et hôpitaux du sud-ouest dans des conditions financières qu'elle juge « précaires ». Et après une dizaine d'années d’exercice, elle décide à 67 ans de redevenir généraliste dans son Béarn natal où réside sa famille.
Pour assumer sa vocation de médecin de campagne et se remettre à jour, elle passe un DU de médecine générale à Bordeaux et un DU de médecine polyvalente à Toulouse. « Malgré des frais d’inscription très élevés pour une retraitée », elle achève ce cursus par six mois de stage. Au Conseil de l’Ordre on lui dit : « Nous sommes convaincus de votre motivation. » On le serait à moins.
Médecine d'empathie
Installée en mai dernier, elle n’en a pas fini avec les tracasseries : sans téléphone pendant un mois à cause d’une erreur de l’opérateur, avec couverture Internet approximative, sans feuilles de soins, sans immatriculation URSSAF qui tarde à venir… Sa patientèle se développe peu à peu. Dans cette région en proie à la désertification médicale, elle reçoit aujourd’hui (sur rendez-vous) une vingtaine de patients par jour : « Beaucoup sont sans médecin traitant. J’ai même reçu des patients venus de Pau », indique le Dr Serra Castro. Exerçant une médecine « d’empathie », elle avoue : « Je comprends les gens qui ont des problèmes. Parler peut les aider et les écouter permet souvent de découvrir des problèmes passés inaperçus : pile cardiaque non contrôlée depuis 12 ans, diabètes non diagnostiqués… »
Et même si elle juge que les généralistes de campagne sont les délaissés de la médecine, elle est heureuse dans son métier qu’elle entend pratiquer tant que santé et passion seront au rendez-vous. Mais, 67 ans, ce n’est pas si âgé ; le dernier médecin de sa commune est parti à 86 ans !
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