LE QUOTIDIEN – Le contrat d’accès aux soins est entré en vigueur le 1er décembre. Pouvez-vous préciser le nombre et le profil des médecins signataires ?
FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM – 9 746 praticiens ont signé le contrat d’accès aux soins et nous espérons engranger de nouvelles adhésions jusqu’au 31 décembre. Nous comptons un peu plus de 7 000 praticiens de secteur II et à peu près 2 700 médecins titrés de secteur I.
Les signataires sont majoritairement des spécialistes (73 %), mais on trouve aussi des généralistes (18 %) et des MEP (8 %). Environ 2 000 praticiens sur plateaux techniques lourds se sont engagés (chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes), soit environ un quart des effectifs éligibles dans ces spécialités.
Dans les autres disciplines techniques (cardiologues, gastro-entérologues, radiologues, ophtalmologues, ORL...), 37 % des médecins éligibles ont souscrit ; le taux de signature est de 33,5 % parmi les spécialités cliniques (psychiatres, pédiatres, dermatologues, endocrinologues…). Le contrat s’est particulièrement déployé en PACA, dans le sud-est de la France et en Île-de-France. Paradoxalement, c’est dans les régions où le taux de dépassement est le plus faible que nous avons eu le plus de mal à convaincre les médecins.
Les polémiques sur les chiffres et les pressions des caisses n’ont-elles pas nui au succès du contrat ?
Si tout le monde avait soutenu le contrat, les choses se seraient passées de façon plus fluide, c’est évident. Chez les chirurgiens, je regrette il n’y ait pas eu une prise de conscience que le contrat permettait de diminuer le reste à charge des patients. Les représentants de l’hospitalisation privée auraient pu s’engager davantage. Compte tenu des positions défavorables de certains syndicats, nous avons obtenu un bon résultat grâce à l’engagement des caisses et de la CSMF. En avril, nous n’étions pas certains d’arriver à un tel résultat.
Pourquoi avoir supprimé, dans l’avenant 11 publié samedi, le seuil nécessaire d’un tiers de médecins de secteur II éligibles pour lancer le contrat ?
Quand nous avons imaginé ce contrat, nous ne connaissions pas exactement le nombre de praticiens éligibles, et nous avons fixé un objectif élevé. Nous avions gardé la possibilité de faire un avenant correctif ou d’attendre que ce seuil d’un tiers soit atteint. Avec 10 000 praticiens signataires, il n’était pas concevable d’attendre davantage. De plus, en ouvrant le contrat aux secteurs I titrés, nous mettons fin à une certaine iniquité entre professionnels...
Tous les obstacles permettant le déploiement du CAS sont-ils levés ? Les logiciels sont-ils paramétrés pour gérer les majorations, le remboursement des patients ?
Du côté des caisses, tout est prêt. Les médecins signataires devront s’assurer que leurs cotations permettront bien d’améliorer la base de remboursement des honoraires au bénéfice des patients. Nous avons adressé une lettre aux praticiens adhérents en ce sens. Nous enverrons aussi un courrier aux praticiens qui n’ont pas encore souscrit au CAS pour les inciter à le faire. Les assurés seront informés à partir du 9 décembre sur le site ameli-direct.fr de l’adhésion des médecins au contrat.
Que se passera-t-il si les médecins signataires ne gèlent pas leurs tarifs ?
Les médecins ne bénéficieront de la prise en charge partielle des cotisations sociales et des majorations de secteur I que s’ils tiennent leurs engagements. En moyenne, les médecins qui ont souscrit se sont engagés à réaliser 45 % de leurs actes au tarif opposable et à respecter un taux de dépassement moyen de 30 % environ du tarif opposable. Si ces engagements ne sont pas tenus, nous avons la possibilité de résilier le contrat, après procédure contradictoire.
L’engagement financier des complémentaires est-il suffisant ?
L’UNOCAM a donné sa parole, nous serons attentifs à ce que son engagement soit honoré. Il faut garantir une prise en charge privilégiée des compléments d’honoraires des praticiens engagés dans l’accès aux soins et inversement, peut-être, prévoir un moindre remboursement de ceux qui ne se sont pas engagés. Si la prise en charge par les complémentaires avait été plus claire, nous aurions eu plus de praticiens de secteur II signataires. Je ne désespère pas qu’il y ait une clarification des modalités de mise en œuvre des engagements des complémentaires. En tout état de cause, le contrat est viable car nous avons atteint une masse critique, il va s’inscrire dans le paysage des secteurs d’exercice.
Les usagers jugent, eux, que le contrat a manqué sa cible...
Le CISS [collectif interassociatif sur la santé] est dans son rôle. Je note que certains prétendent que nous ne sommes pas allés assez loin dans la régulation des dépassements d’honoraires tandis que d’autres annoncent la mort du secteur II. La vérité est sans doute intermédiaire. Le développement du secteur II et des dépassements pose structurellement un problème de reste à charge. Ce contrat fait bouger les lignes.
Où en est-on des sanctions contre les médecins facturant des dépassements abusifs ?
Depuis un an, nous avons privilégié le dialogue. Ce choix a été payant. Plus de 60 % des 1 700 médecins sous surveillance se sont engagés à faire évoluer leurs pratiques tarifaires. Parallèlement, 524 médecins ont reçu un courrier à la fin octobre dont 335 pour un taux de dépassement moyen excessif, 177 pour avoir facturé des compléments à des bénéficiaires de la CMU-C et 12 sur ces deux critères.
Un nouvel envoi de courrier d’avertissement concernera 200 autres praticiens. La procédure est suspendue lorsque les médecins s’engagent à modérer leurs dépassements et ne reprend pas s’ils tiennent parole. Nous allons par ailleurs examiner la situation au cas par cas de 500 professionnels qui réalisent les dépassements les plus élevés dans chaque département (5 %).
Quand tomberont les premières sanctions ?
Les premières commissions paritaires régionales seront saisies avant la fin de l’année et se réuniront en janvier ou février. Si besoin, il y aura des cas de déconventionnement mais notre objectif est de réduire les dépassements, pas de sanctionner.
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