Les incitations au banc des accusés

Des sénateurs à l'offensive pour supprimer la liberté d'installation

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Publié le 11/04/2016
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Crédit photo : Phanie

Les attaques des sénateurs se succèdent ces dernières semaines pour réclamer une régulation de l'installation des médecins. En février, avec des élus locaux, ils étaient tombés d’accord pour estimer que « l'incitation n'est pas la solution contre la désertification médicale ».

Les sénateurs ont à nouveau dressé un « constat d'échec » des politiques incitatives à l'occasion d'un débat sur l'offre de soins dans les territoires ruraux organisé à l'initiative du groupe RDSE (Rassemblement démocratique et social européen).

« Certaines MSP manquent déjà de médecins », a constaté le sénateur (RDSE) du Gers Raymond Vall, très remonté. Et la situation ne devrait guère s'améliorer, puisque les statistiques du CNOM font état de 52 000 praticiens « prêts à prendre leur retraite d'ici 5 ans ».

 

Poussée des mécontents

 

Raymond Vall milite pour une réforme des études. Mais comme ces mesures tarderont à produire leur effet, il faudra selon lui, dans l'attente, « définir une durée pendant laquelle les jeunes médecins devront s'installer en milieu rural ». Le parlementaire plaide également pour « supprimer toutes les aides financières » aux médecins qui voudraient malgré tout s'installer en zone surdotée.

Une majorité de sénateurs souhaite  comme lui, passer à des mesures coercitives. À l’opposé, quelques irréductibles persistent à vouloir donner du temps aux mesures incitatives.

Yves Daudigny, sénateur socialiste de l'Aisne, ménage la chèvre et le chou. « La régulation de l'installation des infirmiers a eu un effet positif, mais n'a pas tout rééquilibré », affirme-t-il. Prudemment, il milite pour « une approche globale » pour régler le problème. Alain Milon, sénateur « Les Républicains » du Vaucluse, rappelle que selon les statistiques de l'Ordre, le nombre d'installation en zones surdenses diminue. « Ça montre bien que quand on laisse les intéressés régler eux-mêmes leurs problèmes, ça marche », analyse-t-il.

Enfin, Françoise Laborde, sénatrice RDSE de Haute-Garonne, s'interroge : maisons de santé, contrats d'engagement de service public (CESP, bourse), praticien territorial de médecine générale (PTMG, salaire minimum garanti), « cela suffira-t-il » ?

 

Une installation pour un départ

 

Du côté des partisans de la régulation forcée, on ne manque pas d'arguments. « Il est vain de penser que l'incitation suffira alors que le conventionnement sélectif a démontré son efficacité », assure Françoise Gatel, sénatrice UDI d'Ille-et-Vilaine. Dans les zones surdotées, elle milite pour le donnant-donnant : une installation pour un départ.

Laurence Cohen, sénatrice communiste du Val-de-Marne, emploie les mots qui fâchent : « il faut s'attaquer à la répartition géographique des médecins, assure-t-elle, et aller vers le contraignant ». Selon elle, en échange de la prise en charge du coût de leurs études, les médecins devraient « contractualiser leur installation avec l'assurance-maladie ».

Enfin, Hervé Poher, médecin généraliste et sénateur écologiste du Pas-de-Calais, verse dans la prédiction : « il faudra un jour toucher à la liberté d'installation même si les lobbies qui s'y opposent sont puissants. On y viendra », assure-t-il.

Si le débat avait donné lieu à un vote, nul doute que les sénateurs auraient enterré la liberté d'installation.

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9487