Entretien avec le vice-président du Haut conseil des nomenclatures

Dr Christian Espagno : « Notre travail ne consiste pas à déterminer les gagnants et les perdants mais à hiérarchiser les actes »

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Publié le 22/10/2021
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Nommé vice-président du Haut conseil des nomenclatures (HCN), le neurochirurgien libéral de Toulouse copilote l'énorme chantier de la refonte de la classification commune des actes médicaux (CCAM). L'instance se donne jusqu'en 2024 pour aboutir à une révision complète de quelque 13 200 actes techniques selon une méthodologie solide.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Quelle est la mission du Haut conseil des nomenclatures ?

Dr CHRISTIAN ESPAGNO : Cette instance est chargée par la loi d'effectuer une révision complète des 13 200 actes inscrits à la CCAM et de piloter l'inscription de nouveaux actes pour tenir compte des progrès techniques, de l'évolution des pratiques, après leur validation par la Haute autorité de santé. Ce travail concerne uniquement les actes techniques. Les actes de consultation ou les actes de biologie qui restent inscrits à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ne sont donc pas inclus dans cette refonte.

Nos travaux ont démarré. Nous nous sommes donné jusqu'en 2024 pour aboutir à une mise à jour complète des actes de la nomenclature, selon une méthodologie fixée. Notre objectif est de mettre à la disposition de l'ensemble des médecins un outil moderne, remis aux normes des pratiques et utile. Le Haut conseil n'a pas d'objectif quantitatif sur le nombre d'actes à réduire, même si une simplification paraît souhaitable.

Comment allez-vous procéder pour toiletter la CCAM ?

Nous avons décidé de travailler par familles d'actes et non pas par spécialité pour tenir compte de l'hyperspécialisation de l'activité des médecins. Certaines familles correspondent à des actes réalisés par une seule spécialité et d'autres, par plusieurs spécialités dont la médecine générale. Du coup, 39 à 41 familles d'actes seront examinées – pour chacune d'elles – par un comité clinique d'experts désignés par le Haut conseil sur proposition des conseils nationaux professionnels. Exemple : les actes de chirurgie du rachis seront étudiés par un comité de neurochirurgiens et d'orthopédistes concernés par cette activité. Pour les tumeurs cérébrales, les experts seront dans un comité avec une seule spécialité : la neurochirurgie.

Le travail de chaque comité consiste d'abord à revoir les libellés des actes. Il vérifie que les actes inscrits restent pertinents et de qualité, deux éléments pris en compte pour maintenir l'acte ou transformer son libellé. Ainsi, les libellés des actes obsolètes qui ne sont plus réalisés peuvent être supprimés. C'est le cas de certaines interventions sur des organes qui ne se font plus avec la méthode classique à ciel ouvert mais par endoscopie ou par cœlioscopie. Le comité peut aussi changer les libellés pour décrire les actes qui ont évolué techniquement, l'utilisation de robot par exemple.

Les actes seront-ils hiérarchisés ? Sur quels critères ?

Une fois le toilettage réalisé, chaque comité devra hiérarchiser les actes de chaque famille. Pour cela, les experts vont déterminer pour chaque acte un score de travail, selon quatre critères précis : la compétence technique, le stress, l'effort mental et la durée. Ce score sera relatif par rapport à un acte de référence de cette famille d'actes déterminé par le comité.

Ensuite, le Haut conseil va hiérarchiser tous les actes selon une échelle unique et cohérente. Au final, chaque acte aura un score de travail, qui sera l'un des éléments pris en compte pour la valorisation de cet acte, discutée lors des négociations conventionnelles. La conversion de ce score – associé au coût de la pratique – pour déterminer un tarif n'est pas de notre ressort mais celui des syndicats et de l'Assurance-maladie.

Ayant peu d'actes techniques, la médecine générale – comme d'autres spécialités cliniques – va-t-elle être parmi les perdants de cette réforme ?

Notre travail ne consiste pas à déterminer les gagnants et les perdants mais à hiérarchiser les actes. La traduction sur le plan financier relève des négociations conventionnelles. Contrairement aux idées reçues, plusieurs milliers d'actes techniques comme les sutures, les plâtres, les actes de rééducation, les traitements de la douleur… peuvent être pratiqués par les médecins généralistes ! Mais comme ils ont peu participé à la mise en place de la CCAM en 2002, ils ne pensent pas suffisamment à l'utiliser pour coter ces actes. Cette méconnaissance peut avoir pour eux des conséquences sur le plan financier.

C'est pour cela que nous avons souhaité que les généralistes soient parties prenantes de l'ensemble de cette révision. Ils seront présents dans huit à dix comités pour travailler sur des familles d'actes autour de la prise en charge de la douleur aiguë ou chronique, des plaies ou des brûlures. Cette refonte est une chance pour l'ensemble des spécialités, et plus particulièrement pour la médecine générale ! Elle contribuera à valoriser leur travail.

Propos recueillis par Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin