« La peur de l’accident est toujours là. On choisit toujours la solution qui présente le moins de risque. Je prescris beaucoup plus de radiopelvimétries que mes confrères du public. Idem pour l’échographie qui évalue le risque de rupture cicatricielle. Dans ma clinique, la césarienne est systématique pour tous les sièges depuis dix ans – ce n’est pas le cas à l’hôpital, où les obstétriciens ne sont pas en première ligne. La césarienne présente un avantage immédiat pour le bébé, mais un risque différé pour la mère. Les parents exigent l’enfant parfait, ils préfèrent souvent la césarienne. Depuis la loi du 4 mars 2002, j’ai un vrai débat avec eux, je leur présente la balance bénéfice-risque de la césarienne. C’est un progrès considérable. Le plus dur, c’est de maintenir le dialogue après un accident, qu’il soit ou non fautif [voir encadré]. On a parfois tendance à s’enfermer dans le silence. C’est une erreur : la famille croit que vous cachez quelque chose et vous en veut.
Le risque médicolégal a aussi un impact sur ma vie privée. Je suis marié, j’ai trois enfants. Quand j’ai quitté l’hôpital pour le secteur libéral, j’ai foncé chez le notaire pour instituer une séparation de biens avec ma femme. Je veux que ma famille continue de vivre si jamais je me retrouve sur la paille. Mon assureur me couvre à hauteur de 6 millions d’euros, or un accident de naissance peut coûter 7 millions. Aujourd’hui je paye 20 000 euros de prime d’assurance par an, il y a dix ans c’était 15 000 francs. Je me rattrape sur les dépassements d’honoraires, mais si les primes dépassent un certain seuil, il y a un jour où je n’aurai plus envie de continuer. »
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