Organisation des cabinets, rémunération, accès aux soins, qualité… Dans une vaste enquête* prospective sur l'exercice, l'URPS médecins libéraux de Nouvelle-Aquitaine a « pris le pouls » des 12 000 praticiens de la grande région, afin de nourrir un travail de réflexion et d'expertise permettant d'établir des propositions. Près de 800 médecins, au profil représentatif, ont répondu au sondage, ce qui permet de cerner les évolutions souhaitées et les lignes jaunes.
Premier enseignement : les médecins libéraux néo-aquitains sont plutôt « épanouis » dans leur métier, un item auquel ils attribuent la note de 6,8/10. Mais ils sont parallèlement « peu confiants » sur l'avenir de la médecine de ville, notée 4,4/10. Pourtant, ils ne manquent pas d'idées pour rendre l'exercice libéral « plus désirable », souligne le Dr Benoît Féger, président (Avenir Spé) de l'URPS, qui se veut « optimiste ». « Les résultats confirment ce que l'on ressent, à savoir que les médecins sont prêts à des évolutions… à condition qu'on leur laisse la main, glisse l'ORL au « Quotidien ». Finalement, les libéraux ont une vision plus girondine que jacobine ».
Motivés par la liberté d’installation, l'indépendance et le fait d'être « son propre patron », les libéraux estiment que, pour demain, la modulation du temps de travail, la souplesse du statut, le renforcement de « l'organisation autour de la patientèle » ou la mobilité géographique sont des pistes à creuser. Le compagnonnage est « plébiscité » pour donner aux jeunes le goût du libéral : 91 % des médecins interrogés se déclarent pour le parrainage ou mentoring et 89 % pour d'une intégration grâce au statut de médecin collaborateur.
Déléguer oui, transférer les actes simples, non
En termes d'organisation, trois quarts des médecins libéraux sondés sont convaincus que « dans cinq à dix ans », ils prendront davantage part à des dispositifs d'exercice coordonné… mais pas forcément pilotés par les agences régionales de santé (ARS). À leurs yeux, la fin programmée du cabinet en solo ne signifie donc surtout pas le basculement vers un modèle unique, sous la coupe de l'administration.
Le degré de formalisme de la coordination laisse d'ailleurs la profession partagée. Seuls 45 % d'entre eux envisagent de travailler avec des dispositifs « labellisés » ayant vocation à prendre en charge la population d'un territoire – de type CPTS. Quant à la prise en charge des soins non programmés, l'un des objectifs du service d'accès aux soins (SAS) en construction, elle doit se concevoir « dans une organisation territoriale consentie par les professionnels », expriment 49 % des médecins.
Les médecins libéraux néo-aquitains se voient volontiers réaliser davantage d'actes de prévention (83 % souhaitent même des consultations dédiées), ils sont prêts à déléguer plus de tâches qu'aujourd'hui (63 %) – sans pour autant transférer les pathologies simples aux paramédicaux – et une courte majorité d'entre eux aspirent à une organisation leur « permettant la gestion d’une patientèle plus importante » (59 %).
Côté carrières, le statut médical « unique » (pour un exercice en ville et à l'hôpital) combinant paiement à l'acte et forfaits « missions » est une solution d'avenir pour 52 % des sondés. Et 45 % d'entre eux sont tentés par la mise à disposition (via des contrats de location) d'un plateau technique de consultations avec des fonctions administratives.
Repositionnement
Concernant la qualité des soins et le confort d'exercice, les praticiens ne cachent pas leur inquiétude. La majorité (56 %) juge que leurs conditions de travail vont en se dégradant. Mais encore une fois, les trois quarts d'entre eux pensent que c'est à la profession elle-même de s’organiser « pour repositionner la place du médecin et la nature de la relation médecin/patient », et ne pas subir les évolutions.
À ce titre, 85 % des sondés plaident pour le développement d'un réseau étroit de coopération entre généralistes et spécialistes (via des équipes de soins), 81 % pour un regroupement dans les mêmes murs, 64 % pour un regroupement hors les murs et le développement de l'exercice multisite. Les nouvelles professions « d’appui » aux médecins sont vues comme « un levier » positif – en premier lieu l'association avec des paramédicaux libéraux, des infirmières en pratique avancée (IPA), un assistant médical salarié, voire une infirmière Asalée. Parmi les mesures efficaces pour regagner du temps médical, 77 % citent le recours aux secrétariats et 60 % les assistants médicaux – ces derniers s'occupant plutôt de la partie administrative.
Nerf de la guerre
Côté attractivité de l'exercice, 85 % des libéraux aspirent à une hausse de la rémunération, alors que la nouvelle convention sera négociée l'an prochain. La « défiscalisation » pour ceux qui exercent en désert médical convainc près de huit sondés sur dix, tout comme celle des cinq premières années d'exercice libéral (68 %).
Le consensus est large pour simplifier la nomenclature (70 %) et même massif pour revaloriser les actes cliniques (95 %), techniques (86 %) et les missions de coordination ou de prévention (78 %). Et 80 % adhèrent à l'idée d'une facturation du temps passé hors consultation, sur le modèle suisse. Mais attention, la diversification des modes de rémunération n'est envisagée que prudemment. Les activités de soin doivent continuer à relever du paiement à l’acte « exclusif », jugent majoritairement les sondés, tandis que les tâches ou missions annexes peuvent être payés au forfait (administratif, coordination, compagnonnage, FMC). La prévention reste « à la frontière des deux types de rémunération ».
Enfin, les libéraux de cette région estiment que le « défi prioritaire d'innovation » des cinq prochaines années sera… la télé-expertise (56 %). Quant au recours à l'intelligence artificielle (IA), les médecins l'envisagent principalement pour les actes techniques – la télésurveillance, le dépistage, l'aide à la décision et au diagnostic.
* Questionnaire diffusé du 14 janvier au 28 février en ligne (796 médecins répondants, dont 500 à la totalité des questions)
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