LA LOI du 4 mars 2002, qui édicte le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance », vient d’être confortée par les Sages du Conseil constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr). Cette loi avait été adoptée pour contrer l’arrêt Perruche, rendu par la Cour de cassation le 7 novembre 2000, dans lequel les juges avaient clairement consacré le droit pour l’enfant né handicapé d’être indemnisé de son propre préjudice.
Le législateur de 2002 a fixé que, d’une part, seuls les parents d’un enfant né avec un handicap « non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée » pouvaient demander une indemnité au titre « de leur seul préjudice » et que, d’autre part,cepréjudice ne pouvait inclure « les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap ». Il a, en outre, précisé que la compensation de ce handicap relevait de la solidarité nationale.
Pour la mère de Loïc, dont la myopathie n’avait pas été détectée pendant la grossesse lors d’examens médicaux, la loi de 2002 conduit à restreindre abusivement son droit à réparation contraire au principe général de responsabilité inscrit dans l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme, à valeur constitutionnelle. C’est à cet argument que les Sages ont répondu dans une décision rendue le 11 juin : « La limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne revêt pas un caractère disproportionné. Elle n’est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit », ont-ils indiqué, ajoutant que le principe de réparation intégrale d’un préjudice « n’a qu’une valeur législative ». Le législateur peut ainsi apporter au principe de responsabilité pour faute « des restrictions justifiées par un motif d’intérêt général ».
La loi de 2002 a interdit aux parents d’obtenir, par la mise en cause de la responsabilité médicale, la réparation du préjudice résultant des charges du handicap. Aux yeux des Sages, du fait que la compensation de ce handicap a été prévue (par la solidarité nationale) et que la responsabilité générale des professionnels et des établissements de santé est possible, le législateur n’est pas contrevenu aux principes constitutionnels.
La compétence du législateur.
Par ailleurs, les Sages ont indiqué que la fixation de la règle qui interdit à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du seul fait de sa naissance (dans le cas où la faute invoquée n’est pas à l’origine de ce handicap) « relève de l’appréciation du législateur » : « Celui-ci n’a fait en l’espèce qu’exercer sa compétence sans porter atteinte à une exigence constitutionnelle ». Et puisque les professionnels et les établissements de santé ne sont pas exonérés de toute responsabilité, le principe d’égalité n’est pas méconnu, estiment-ils. En somme, il ne faut pas oublier que « la Constitution n’est pas si exigeante que cela à l’égard des lois », résume Philippe Waquet, conseiller honoraire de la Cour de cassation. Si le législateur s’assure qu’il ne viole pas les principes fondamentaux constitutionnels, libre à lui d’aménager les règles de la responsabilité. « La Constitution ne permet pas de tout remettre en cause : c’est normalement la loi qui nous régit », rappelle le haut magistrat.
Le Conseil constitutionnel a toutefois jugé contraire à la Constitution une disposition qui rendait la loi de 2002 applicable immédiatement dès son entrée en vigueur, peu importent les contentieux en cours. Ainsi, les contentieux engagés à l’époque de la promulgation de la loi doivent être jugés selon la loi qui était applicable jusqu’alors, à savoir la jurisprudence Perruche. Mais s’il reste des cas de litiges engagés en 2002 risquant de resurgir aujourd’hui, c’est « un nombre infime », affirme-t-on au Conseil constitutionnel.
Pour le Dr Jean Marty, secrétaire général du SYNGOF (Syndicat des gynécologues-obstétriciens de France), ce jugement est en demi-teinte. « Le Conseil constitutionnel n’a pas ajouté à notre instabilité juridique mais en même temps, il ne l’a pas réduite », estime-t-il (lire ci-dessous).
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