« En quelques heures de débat parlementaire, la transformation urgente de l’organisation des soins a été renvoyée à plus tard. Une fois de plus. Une fois de trop. » Dans une tribune cinglante publiée par « Le Monde » mardi, un collectif* de huit présidents de syndicats de professionnels de santé et une association de patients s'insurgent contre le « détricotage » par le Parlement de la loi Rist (destinée à développer l’accès direct et à étendre les compétences).
Infirmiers, pharmaciens, kinés, orthophonistes, podologues, biologistes, orthoptistes, audioprothésistes mais aussi l'association d'usagers France Assos Santé regrettent ainsi que la proposition de loi déposée par la députée (Renaissance) du Loiret – ouvrant l’accès direct aux infirmières de pratique avancée (IPA) aux kinés et aux orthophonistes – ait été « vidée de son contenu initial » au Sénat. Un « coup d’épée dans l’eau », jugent les soignants.
« Le gouvernement comme les parlementaires reculent »
Alors que le texte initial prévoyait que l’accès direct aux paramédicaux puisse se faire à l’échelle des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), cette référence avait été supprimée par les sénateurs. La CPTS était jugée trop large ou trop lointaine pour assurer une bonne coordination avec le médecin, notamment par MG France. Ainsi, le texte adopté au Palais du Luxembourg restreint l’accès direct à « des formes plus intégrées de coopération que sont les maisons de santé pluriprofessionnelles, les centres de santé et les équipes de soins primaires et spécialisés ». Un rétropédalage contre-productif pour les signataires de la tribune, qui rappellent que ces structures intégrées sont « peu nombreuses ». Ils craignent que les parcours de soins deviennent « illisibles » pour les patients et que l'impact sur l'accès aux soins soit nul.
Autre regret : le retrait de la proposition de loi sur l'accès aux soins du député Frédéric Valletoux (Horizons) qui créait le nouveau statut d’infirmier référent. « Disons-le, le gouvernement comme les parlementaires reculent », dénoncent les auteurs de la tribune.
Quant au projet de pénaliser les consultations non honorées par les patients, voté au Sénat début février, les signataires y voient un très mauvais signal. « Il n’est pas acceptable de suggérer que la taxation des patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux est la solution », déplorent-ils.
Recentrer la ressource médicale
Entre la crise des urgences, la désertification médicale et le vieillissement de la population, « le tsunami sanitaire susceptible de submerger notre système de santé a commencé à déferler », alerte la tribune. Les professions signataires se disent prêtes à relever le défi de l’accès aux soins, à condition que l’on mobilise « pleinement » leurs compétences. « Rien n’est plus évident que la nécessité de recentrer la ressource médicale, devenue rare, sur les cas les plus complexes, en déléguant tout ce qui peut l’être », martèlent les signataires.
Alors que près de 10 000 médecins sont descendus dans les rues de la capitale le 14 février pour protester contre la loi Rist, les auteurs de la tribune veulent apaiser les tensions. « Tous, nous pensons que le médecin doit être le garant du parcours de soins du patient. Personne ne songe à le remplacer. Il s’agit seulement d’utiliser pleinement les compétences de chacun », peut-on lire.
Ils en appellent à la responsabilité d’Emmanuel Macron qui réclamait dès janvier « une prise en charge plus collective des patients ». Les signataires enfoncent le clou : « Prolonger le statu quo n’est plus une option face aux retards de soins, à l’encombrement des urgences et au détournement des patients vers les "médecines alternatives". »
Les signataires : Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ; François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes ; David Boudet, président de la Fédération nationale des podologues ; Sarah Degiovani, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes ; Luis Godinho, vice-président du syndicat des audioprothésistes ; Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs ; Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers ; Mélanie Ordines, présidente du Syndicat national autonome des orthoptistes ; Gérard Raymond, président de France Assos Santé, l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé.
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