Le parcours parlementaire de la loi de santé réserve bien des surprises aux médecins libéraux.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté à l’unanimité un article additionnel au projet de loi Touraine qui, s’il était définitivement voté, mettrait en place un conventionnement sélectif dans les zones surmédicalisées, suivant le principe « une installation pour un départ ». La commission précise que ce type de régulation existe « pour la plupart des professions de santé », citant « les infirmiers, sages-femmes, orthophonistes et chirurgiens-dentistes ». Le conventionnement d’un médecin libéral ne pourrait intervenir « qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone ». Ce mécanisme s’appliquerait dans les zones fortement excédentaires définies par les agences régionales de santé en concertation avec les syndicats médicaux représentatifs.
Liberté sacralisée
Cette initiative autoritaire est portée notamment par le sénateur centriste de l’Eure Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire, qui s’était déjà illustré en février 2013 par un rapport acide pour combattre la désertification. Deux ans et demi plus tard, rebelote. « Les dispositifs de conventionnement sélectif ont largement fait leurs preuves, assène Hervé Maurey. Si on ne le fait pas pour les médecins, il y aura un jour des drames de santé publique. Le but, ce n’est pas de satisfaire les médecins mais l’intérêt général. Il est temps d’arrêter les mesurettes et d’aller plus loin... ». Rapporteur pour avis du projet de loi de santé, le sénateur centriste Jean-François Longeot enfonce le clou. « La liberté d’installation sacralisée n’est pas compatible avec l’aménagement du territoire. Il est grand temps d’arrêter de céder au lobby des médecins et d’écouter ce que disent les gens ».
Y aura-t-il une majorité au Sénat, à la rentrée, pour remettre en cause la liberté d’installation ? Marisol Touraine devrait s’y opposer. Hervé Maurey sait que le sujet est « conflictuel » mais veut croire que la méthode forte gagne du terrain chez les élus de tous bords pour mieux répartir les médecins. « L’incitatif depuis 25 ans, ça ne marche pas, et trois millions de Français vivent encore dans les déserts médicaux ».
Sur lequotidiendumedecin.fr, la charge du Sénat a provoqué des dizaines de commentaires de praticiens exaspérés. La CSMF ne mâche pas ses mots. « Sous couvert de lutte contre la désertification médicale, de telles propositions démagogiques et éculées montrent une fois de plus la volonté de mettre les médecins libéraux sous la tutelle de l’État, dans la ligne droite du projet de loi de santé ! On ne peut pas contraindre les médecins à exercer dans des zones délaissées par l’État lui-même. »
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