Lors de l'examen du projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2021 au Sénat, le débat traditionnel entre partisans et adversaires des mesures coercitives à l'installation a provoqué une série d'échanges aigres-doux entre les élus de la Haute Assemblée.
Porté par Jean-Luc Fichet, sénateur socialiste du Finistère, un amendement visait à instaurer un conventionnement territorialisé pour conduire les nouveaux médecins libéraux à s'installer dans les zones sous-denses (et les empêcher à s'implanter dans un secteur surdoté). Un autre visait à expérimenter cette régulation territoriale.
Médecine d'autrefois
« Un nombre croissant de Français subissent des difficultés d'accès aux soins, ce qui justifie une régulation territoriale, a argumenté l'élu. La télémédecine ne saurait constituer un palliatif. Face à une telle urgence, l'amendement prévoit que dans les zones en situation d'excédent de médecins, un nouveau médecin libéral ne peut s'installer en étant conventionné à l'Assurance-maladie que si un autre cesse son activité. »
Si ce genre de tentative de régulation n'a rien d'original, le débat a rebondi au-delà du cadre habituel. Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé, en charge de l'autonomie, a d'abord tenu la ligne du gouvernement. « La contrainte n'est pas la solution. On n'est plus dans la même médecine qu'autrefois, je n'y peux rien, c'est culturel », a-t-elle défendu dans un certain brouhaha. Et d'ajouter : « Il faut entendre ces étudiants : ils refusent qu'on les contraigne (...) Avec le numerus clausus, un jour ils seront trop nombreux et ils devront bien s'installer là où on a besoin d'eux. Nous allons y arriver, je sens un frémissement. »
La formation, c'est 150 000 euros !
Son intervention n'a pas calmé les protestations du groupe socialiste, écologiste et républicain. « Ce qui est surprenant, c'est qu'on ne tente même pas d'expérimenter ! La formation d'un médecin généraliste coûte 150 000 euros à l'État : on peut être un tout petit peu exigeant avec lui », a alors lancé Jean-Luc Fichet.
Une remarque qui a fait bondir Alain Milon, sénateur (LR) du Vaucluse, ex-président de la commission des Affaires sociales du Sénat et lui-même médecin. « Je trouve scandaleux que vous puissiez reprocher à un étudiant en médecine qu'il coûte à l'État 150 000 euros », a-t-il dénoncé. « Vous ne savez pas, en plus, combien d'économies l'étudiant en médecine permet à l'hôpital de faire », a-t-il poursuivi, avant de lâcher, agacé : « Combien coûte un sénateur pour reprocher à un étudiant ce qu'il coûte à la Nation ? ». Une intervention applaudie par les sénateurs du groupe LR.
Dévoués
Catherine Deroche (LR, Maine-et-Loire), actuelle présidente de la commission des Affaires sociales, est également intervenue pour défendre les carabins et la liberté d'installation. « Ce ne sont pas des glandeurs, ils travaillent pendant toutes les années de leurs études ! », a-t-elle décoché. « Aller reprocher ce qu'ils coûtent à la collectivité à des étudiants en médecine qui travaillent, font fonctionner les hôpitaux et se sont dévoués pendant la crise du Covid, c'est scandaleux ! » Tous les amendements coercitifs ont été rejetés.
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