Ceci est une lettre aux responsables politiques et syndicaux face au problème de la démographie médicale des médecins de famille
Récent retraité après 36 ans d’exercice de la médecine générale, je voudrais d’abord saluer le mouvement de colère des médecins de Roanne, qui exprime parfaitement la situation catastrophique dans laquelle se trouve la médecine libérale, la médecine générale en particulier, médecine du premier recours et qui se meurt depuis 25 ans. Nous ne manquons pas, globalement, de médecins en France, mais de moins en moins font le choix d’une prise en charge directe des malades.
Installé en 1979, dans les Yvelines, les jeunes médecins se précipitaient dès qu’un ancien prenait sa retraite, pour reprendre sa clientèle, et s’assurer d’un exercice gratifiant, que nous avions choisi, avec des revenus en rapport avec notre qualification et nos responsabilités. Les médecins libéraux, souvent médecins de famille, bénéficiaient d’une autorité et d’un prestige qui renforçaient leur motivation, et qui n’existent plus aujourd’hui.
Pour des raisons budgétaires, avec un financement de la Sécurité sociale qui n’est plus adapté aux progrès de la médecine et à l’allongement de l’espérance de vie, les pouvoirs publics ont transféré cette autorité si importante vers l’assurance-maladie, encore appelée le financeur des soins, au détriment du médecin soignant, et après trente ans de cette évolution, nous arrivons au tiers payant généralisé mais les patients ne trouvent plus de médecins pour les soigner et ceux qui résistent sont débordés, souvent seniors et sans successeurs quand ils partent en retraite.
La convention médicale a suivi le même chemin. Dans les années 70 et 80, nous avions un avenant tarifaire annuel, des déductions fiscales forfaitaires, qui ne sont plus revalorisées. Les majorations de nuit ou de dimanche, appliquées lors de la permanence des soins, n’ont pas évolué depuis le passage à l’euro en 2002.
La réforme du parcours de soins en 2004 est une catastrophe pour les généralistes, auxquels il incombe maintenant de remplir des certificats qui se sont multipliés, paperasse qui rebute les étudiants stagiaires de choisir cette spécialité, à laquelle d’ailleurs on refuse un tarif de consultation égal à celui des autres spécialistes !!!
Ne parlons pas enfin des génériques, qui parasitent nos consultations, font parfois l’objet de sanctions financières, alors qu’il suffirait de rembourser les molécules au prix du générique le moins cher, le patient qui le refuserait, payant la différence au pharmacien !!!
Quelles solutions pour en sortir ?
Redonner vie à une convention médicale rénovée, attractive, qui rende au médecin toute son autorité face à l’Assurance-maladie ; nous devons être des partenaires et non sous tutelle.
Revoir le statut fiscal et social des médecins libéraux, avec des tarifs qui nous permettent d’avoir du personnel dans le cadre d’un exercice regroupé en maisons de santé, sans devoir toujours faire appel à de l’argent public, gage d’indépendance.
Mettre en place d’autres formes d’exercice pour permettre une évolution de carrière avec un vrai salariat qui n’existe que très peu actuellement dans la médecine de soins directs.
Beaucoup de médecins formés occupent actuellement des postes de prévention ou à caractère social qui ne devraient être accessibles qu’après un certain temps d’exercice dans la prise en charge de malades, qui est notre première mission.
Revoir enfin l’organisation et la régulation de la permanence de soins, qui n’est plus qu’un palliatif à la pénurie de médecins, pour des consultations sans caractère d’urgence et souvent en tiers payant.
Voici donc l’avis d’un médecin au début de sa retraite, et qui fait le point sur l’évolution d’une profession qu’il a été fier d’exercer, et à laquelle il donne encore de son temps au travers de sa participation à la permanence des soins sur le Montargois, et dont l’évolution mérite sans doute beaucoup mieux que ce que nous proposent les pouvoirs publics.
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