Le chiffre est édifiant : 87 % des médecins libéraux franciliens (et même 91 % des généralistes) ressentent des difficultés dans l'organisation des soins pour les prises en charge dites « complexes ». C'est ce qui ressort d'une enquête* menée par l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux (URPS-ML).
Paradoxalement, la présence d'un secrétariat sur place n'améliore pas forcément les choses : 84 % des médecins libéraux qui en bénéficient déclarent quand même des difficultés pour organiser les soins de ces patients complexes – définis comme des patients polypathologiques et âgés (66 %), ayant des difficultés sociales (73 %), isolés (44 %), ou encore en souffrance morale, en fin de vie, ne parlant pas français…
Dans l'ordre des obstacles rencontrés, les médecins citent en premier lieu le contact direct avec un médecin hospitalier (58 %, toutes spécialités confondues), les rendez-vous pour une consultation hospitalière publique (57 %) et la prise en charge sociale et administrative. L'admission en établissement (hôpital, EHPAD), le maintien à domicile, les urgences sont également évoqués au rang des difficultés avant l'accès aux spécialistes ou aux paramédicaux.
La psychiatrie moins disponible
La coordination libérale fonctionne plus spontanément. Les généralistes – dont le territoire de santé est circonscrit au quartier pour Paris intra-muros ou à la commune pour les médecins de la petite et de la grande couronne – ont construit un réseau de correspondants libéraux d'abord au gré des échanges avec des confrères à proximité (77 %) ou grâce au bouche-à-oreille (59 %). Les spécialistes – dont le territoire de santé est plus large – construisent également ce réseau au cours de congrès (38 %) ou de fonctions hospitalières publiques (39 %).
Preuve de ce bon fonctionnement du maillage libéral, les généralistes déclarent recourir souvent ou très souvent aux radiologues (98 %), kinés (97 %), laboratoires de biologie (96 %), infirmiers (91 %) et dans une moindre mesure aux psychiatres (65 %). Mais tous ne sont pas facilement joignables, nuance l'étude. « Les kinés et les psychiatres, en sous-densité en Ile-de-France, sont de fait beaucoup moins disponibles », précise le Dr Agnès Giannotti, médecin généraliste, membre de la commission coordination et territoires au sein de l'Union régionale.
Les centres médico-psychologiques très difficiles à contacter
Les affaires se corsent pour le recours aux structures et dispositifs plus lourds. De fait, les centres médico-psychologiques (CMP) ne sont pas facilement accessibles pour 83 % des généralistes libéraux ! C'est également le cas des centres communaux d'action sociale (CCAS, peu joignables dans 41 % des cas), de l'hospitalisation à domicile (HAD, 34 %) ou des MAIA (31 %). « Finalement, ces dispositifs dont on parle beaucoup ne sont pas les plus utilisés car ils sont lourds et complexes à mettre en place », analyse le Dr Bruno Silberman, président de l'URPS-ML d'Ile-de-France. L'insatisfaction des généralistes est proportionnelle à leurs difficultés d'accès aux structures précitées.
Les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) s'en sortent mieux (difficiles à joindre pour seulement 16 % des médecins), tout comme les Centres 15 (17 %). Les réseaux de santé semblent aisément joignables de même que les équipes mobiles de soins palliatifs.
Resserrer les liens
Dans ce contexte, la première attente des médecins libéraux – généralistes comme spécialistes – serait l'accès à un annuaire téléphonique direct de ressources médicales et paramédicales locales (56 %). Également citée : le fait de bénéficier d'une ressource externe partagée pour gérer cette coordination complexe. Un tiers des généralistes seraient prêts à assumer eux-mêmes la prise en charge en étant indemnisés à ce titre (un quart des spécialistes). L'accès à un service d'interprètes ne fait guère recette (9 %).
L'URPS plaide pour la simplification et le pragmatisme. Elle propose d'organiser des rencontres locales pour créer du lien entre les acteurs de santé en s'appuyant sur les initiatives du terrain. Il faut surtout « éviter de plaquer de nouveaux dispositifs contraignants qui ajoutent du poids administratif » et fluidifier l'organisation hospitalière avec des correspondants identifiés et disponibles.
* Enquête quantitative par email auprès de 10 687 médecins libéraux franciliens, avec un taux de réponse de 7 %, soit 705 répondants.
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