Un médecin titulaire, trois postes vacants ! Telle est la situation édifiante de la médecine scolaire dans la Nièvre qui, malgré le recours à des contractuels, n’atteint pas les deux postes pour 29 000 élèves.
Conséquence, la médecine scolaire ne peut, dans ce département, respecter l’arrêté du 3 novembre 2015 qui confie aux seuls médecins le bilan médical des 6 ans. La situation n’est pas propre à la Nièvre, relève justement le Dr Hélène Lilette, médecin conseiller technique de la rectrice de Dijon, soulignant que « des départements n’ont plus du tout de médecins scolaires ». Dans certains établissements, les infirmières pallient régulièrement la pénurie en réalisant des bilans infirmiers, « parce qu’elles jugent que c’est prioritaire dans leur secteur d’intervention », confie le Dr Lilette.
Pour autant, cette situation bancale ne satisfait personne, à commencer par les infirmières elles-mêmes qui assument 90 % des bilans… Saphia Guereschi, responsable du Syndicat national des infirmiers conseillers de la santé (SNICS), fait valoir que les infirmières ne savent pas forcément réaliser les dépistages exigés, surtout pour les troubles du langage. Du coup, « on passe à côté de l'objectif de ce bilan médical à 6 ans », qui prépare l’entrée au CP par divers contrôles, examens de dépistage et bilan (langage, développement psychomoteur, etc.).
Mobiliser les médecins traitants
Le recours au médecin traitant pour cet examen fait partie des options. C’est notamment la piste de travail privilégiée par le rectorat qui, en lien direct avec l’agence régionale de santé (ARS) dans le cadre d'une convention de soutien la démographie médicale, réfléchit aux moyens de mobiliser les médecins libéraux, les praticiens de la caisse primaire ou encore les médecins de PMI. « La stratégie doit être réfléchie département par département car les problèmes de démographie médicale n’ont pas les mêmes implications partout », souligne le Dr Hélène Lilette.
Cette hypothèse du recours au médecin de famille soulève toutefois des réticences. Elle ne résout pas la question du dépistage des enfants très éloignés des soins, rappelle l’UNSA Éducation. Et si un problème est diagnostiqué, la traduction dans un projet d’accueil individualisé (PAI) peut réclamer l'expertise particulière... du médecin scolaire.
Suivi insuffisant
Les difficultés techniques et pratiques constituent un autre obstacle. « Tous les généralistes ne sont pas équipés pour faire les examens de la vue et de l’ouïe, et si on devait envoyer tous les enfants de six ans chez l’ORL, on bloquerait le système », avance le Dr Thierry Lemoine, président du conseil de l’Ordre des médecins de la Nièvre. De fait, la pénurie de spécialistes frappe également la Nièvre où il faut par exemple attendre un an pour un rendez-vous chez l’ophtalmologue.
Résultat de cette carence, « les enfants ne sont pas suivis comme ils devraient l’être et, forcément, ils sont sous-détectés que ce soit pour les pathologies chroniques, les non-vaccinations, les maltraitances physiques ou psychiques », déplore le Dr Thierry Lemoine. C’est également l’avis de Pascale Bertin (FSU), qui souligne à quel point la situation peut être délicate à gérer pour les enseignants dans les cas de maltraitance. « Lorsqu’on a un doute sur un bleu sur le corps d’un enfant, bien sûr qu’on peut déclencher une procédure de signalement », dit-elle. Mais c'est normalement le recours au médecin scolaire qui permet au professeur des écoles, en lien avec les familles, de ne pas s’exposer et de maintenir le dialogue.
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