Après le paracétamol et l'amoxicilline cet hiver, c'est au tour de la pilule abortive de manquer à l'appel dans certaines officines. Mardi 2 mai, des pédiatres de plusieurs pays européens – dont la France – ont adressé de leur côté une lettre ouverte à leurs ministres de la Santé pour dénoncer le danger provoqué par le manque de médicaments pour la santé des enfants. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) estime ainsi à 3 000 le nombre de molécules qui ont pu manquer à l'appel cet hiver… C'est dans ce contexte que la commission d'enquête parlementaire du Sénat, présidée par l'élue du Calvados Sonia de La Provôté (Union centriste), a auditionné mardi plusieurs représentants des médecins libéraux sur ce sujet quotidien de préoccupation.
Retards de délivrance, substitution approximative
En première ligne, ceux-ci reconnaissent que ces pénuries concernent aussi bien les médicaments que les vaccins. Selon des remontées de terrain récoltées par le collectif Médecin pour demain, les ruptures concernent notamment les antibiotiques pour enfants, les corticoïdes, les anticoagulants, les gels anesthésiants, les sirops antitussifs, le paracétamol ou encore certains médicaments contre le diabète. « On s'adapte au mieux », reconnaît Frédéric Carvalheiro, directeur général de MG France. Reste que les médecins sont « inquiets » des risques pour la santé des patients « en raison de substitution approximative, des retards de délivrance, des traitements incomplets, de l'inobservance des patients pour la nouvelle molécule », ajoute-t-il.
Les libéraux auditionnés confirment la nécessité, souvent, de « bricoler » face aux ruptures d'approvisionnement. Président des Spécialistes-CSMF, le Dr Bruno Perrouty abonde dans ce sens. « On fait de l'à-peu-près, admet le neurologue libéral. Les médecins doivent trouver un médicament qui ressemble mais qui n’a pas toujours la même fonction, pas toujours les mêmes effets secondaires et qui peut poser un problème au patient parce qu’il n’a pas la même apparence et pas nécessairement les mêmes conditions d’utilisation. »
Éducation à la santé et consultations longues
Mais quelles solutions au quotidien ? La Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF, met en avant « l'éducation » des patients pour les inciter « à ne pas faire n’importe quoi », « à éviter les surconsommations, les gaspillages, les interactions médicamenteuses (...) ». « La campagne d'information sur les antibiotiques avait marché, il faut la recommencer », plaide-t-elle.
Mais, rappelle le Dr Benoît Coulon, membre du conseil d’administration de Médecins pour demain, « un tiers de la consommation des antibiotiques se fait en dehors de toute prescription, selon l'OMS ». Le généraliste préconise la délivrance à l'unité des antibiotiques et, lui aussi, l'éducation à la santé et la prévention. Encore faut-il que les praticiens libéraux aient du temps pour des consultations plus longues. « Le leitmotiv » de Médecins pour demain reste la revalorisation de l'acte de base à 50 euros pour permettre aux médecins de se dégager du temps « afin d'expliquer et de faire accepter aux patients la réduction des antibiotiques ». Plus largement, les effets de la polymédication des personnes âgées sont un sujet de préoccupation majeur pour les libéraux auditionnés.
Les médecins gagneraient enfin à bénéficier d'une meilleure information (et actualisée) en cas de pénuries, avec des outils de décision. Certains praticiens prescrivent des molécules en ignorant qu’elles ne sont plus disponibles. « Il y a des messages d'alerte via le logiciel d’aide à la prescription mais on les oublie, explique le Dr Perrouty. Ce serait bien d'avoir un système qui bloque la prescription au moment où il y a une rupture. » Le spécialiste croit au travail collaboratif avec les infirmières en pratique avancée (IPA). « Nous devons avoir des consultations plus longues en s’appuyant sur d’autres professionnels », résume-t-il.
La sénatrice LR Laurence Muller-Bronn a rappelé, en fin d'audition, que les causes des pénuries étaient multifactorielles, à cause notamment de la production délocalisée et des transports, et qu'il fallait dans tous les cas éviter de « culpabiliser les patients ».
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