« Imposons aux jeunes internes d’exercer leurs 3 premières années dans les territoires désertifiés médicalement. Juste retour d’un enseignement gratuit dans les facultés de médecine françaises. » Ainsi s’exprimait en juin dernier le maire de Bourges Pascal Blanc sur le réseau social Twitter. Et comme c’est le cas à chaque fois qu’un responsable remet en cause la sacro-sainte liberté d’installation, les noms d’oiseaux n’ont pas tardé à fuser du côté des médecins.
« Les internes font déjà tourner les CHU et pas mal de petits hôpitaux, alors si les villes concernées ne sont pas fichues de les retenir en fin de stage, c’est peut-être les élus de ces ville, le problème », a par exemple rétorqué @Nicolas_C4, chef de clinique caennais.
« En tant que maire, son devoir vis-à-vis de ses administrés n'est pas de faire le bravache et faire fuir les médecins, mais de les attirer », remarquait pour sa part @qffwffq, neurologue très suivi sur le réseau. « Évidemment cela suppose qu'il bosse ses dossiers », ajoutait-il, perfide.
Si les restrictions à la liberté d’installation font la quasi-unanimité contre elles chez les médecins, c’est que leurs effets pervers sont bien connus : stratégies d’évitement, effets négatifs sur les vocations médicales… Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle ce genre de mesure déclenche immanquablement des réactions épidermiques dans la profession. La possibilité de poser sa plaque où l’on veut fait en effet partie de l’ADN de la médecine française, au moins depuis qu’elle a été consacrée par la Charte de la médecine libérale, signée en 1927.
Vérité en deçà des Pyrénées…
Ce lien indissoluble entre liberté d’installation et exercice médical ne prévaut pourtant pas partout. Un petit saut à l’extérieur de nos frontières permet de s’en rendre compte. À moins de choisir un exercice privé ultra-minoritaire, les praticiens britanniques, par exemple, ne peuvent s’installer que là où le National Health Service (NHS) ouvre des postes. Idem en Espagne. Et il ne faudrait pas croire que cette situation est réservée aux systèmes de santé largement publics comme le sont ceux de nos voisins d’outre-Manche ou d’outre-Pyrénées.
En Allemagne, par exemple, c’est depuis 1992 la logique du Bedarfsplan qui prévaut : médecins et caisses d’assurance se mettent d’accord pour chaque territoire et pour chaque spécialité sur des quotas libellés en nombre de médecin par habitant. En deçà du quota, les nouveaux praticiens sont les bienvenus. Au-delà, pas d’installation possible.
En Suisse, c’est un système joliment baptisé « clause du besoin » qui prévaut : les cantons fixent purement et simplement des plafonds à l’admission de nouveaux médecins.
Bien sûr, tout n’est pas rose dans ces pays qui ont choisi la voie des restrictions à la liberté d’installation : les effets pervers décrits par les médecins français lorsqu’ils défendent leur droit à choisir leur lieu d’exercice sans contrainte peuvent aussi s’y faire sentir. Mais la catastrophe sanitaire parfois décrite dans le débat hexagonal n’y prévaut pas non plus, et les médecins anglais, suisses ou allemands n’ont pas massivement fui à l’étranger… Ce qui aurait pourtant bien arrangé nos problèmes de déserts médicaux !
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