Le ton monte chez les médecins libéraux au sujet de la généralisation programmée du tiers payant.
Les premiers travaux pratiques autour de cette réforme ultrasensible, que pilote le directeur de projet Hubert Garrigue-Guyonnaud (un IGAS nommé par Marisol Touraine), en concertation avec tous les acteurs concernés, ne rassure guère la profession qui multiplie les avertissements.
À ce stade, le principe même de la généralisation imposée du tiers payant intégral en ville (programmée à l’horizon 2017 pour tous les patients) ne passe toujours pas, faute de garanties, même si aucun syndicat médical ne nie l’intérêt du tiers payant social pour les patients les plus modestes. « La CSMF est hostile à un tiers payant généralisé obligatoire, c’est clair ! Je l’ai dit à la ministre, à l’Élysée. Il n’en est pas question », expose le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Mêmediscours tranché au Syndicat des médecins libéraux (SML) « plus que jamais opposé » à la généralisation « démagogique » du tiers payant, « un très mauvais signal » qui « aboutirait à un sentiment de gratuité totale des soins ». Le SML réclame la mise en place d’« actions pédagogiques » sur l’utilisation du système de santé. Même MG France, avocat historique du tiers payant, ne défend pas la généralisation imposée aux praticiens (en dehors de situations particulières prévues dans la loi), jugée trop risquée. Quant à la Fédération des médecins de France (FMF), elle prône depuis longtemps la liberté d’accord entre médecin et patient sur la question du tiers payant.
Les complémentaires sortent du bois
Marisol Touraine a beau jurer que le système de tiers payant généralisé sera « simple et sécurisé », tant pour les médecins que pour les patients, la profession est donc en alerte maximum.
Il y a quelques jours, lors d’une réunion de travail en présence de tous les acteurs (directions ministérielles, syndicats professionnels, assurance-maladie, mutuelles, assurances...), les complémentaires santé ont présenté ensemble des pistes de solutions techniques pour le tiers payant, en vue du règlement des médecins. L’accueil des syndicats médicaux est glacial. « Les réponses exposées par les complémentaires pour effacer les difficultés actuelles de fonctionnement du tiers payant ne sont absolument pas de nature à rassurer les médecins, prévient le Dr Rua (SML). Dans ce projet, il n’y a strictement aucune simplification à la source mais deux flux à gérer [AMO et AMC] pour les médecins qui devront en plus vérifier les droits des patients ! ». Il déplore « une réunion pour rien ». « L’usine à gaz compliquée des complémentaires, personne n’en veut, ajoute le Dr Claude Leicher. Les médecins ne veulent ni travail supplémentaire, ni risque de perte de revenus ».
Première étape fin 2014
La profession ne veut pas se laisser dicter cette réforme, même si des voix en son sein reconnaissent qu’un tiers payant idéal, sécurisé et sans travail supplémentaire, aurait des avantages évidents pour les médecins, notamment la diminution des impayés. « Une fois que les grandes options techniques auront été validées (gestion des droits des patients, circuit des données, traitement, règlement) il sera trop tard pour reculer et la généralisation de la dispense d’avance des frais se fera rapidement », analyse un leader syndical.
Le calendrier prévoit une première étape cruciale dès 2014. Les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS) devront accéder au dispositif de tiers payant avant la fin de l’année. La généralisation pour tous les assurés reste programmée à l’horizon 2017.
En janvier dernier, interrogés par l’IFOP pour le « Quotidien », 69 % des médecins libéraux jugeaient que la généralisation du tiers payant était « plutôt une mauvaise chose ».
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