Loi Bachelot, C bloqué, taxation des feuilles de soins

Un vent de fronde généraliste a soufflé

Publié le 17/12/2010
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

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Crédit photo : S Carambia

COMME EN 2002, le mouvement est né en Bretagne. C’était en février. Sous l’impulsion de la Fédération des médecins bretons (FMB), la Fédération des médecins de France (FMF) et MG-France, les généralistes de la région ont été invités à fermer leur cabinet le jeudi 11 mars. Une décision censée traduire le ras-le-bol généralisé de la profession. « Il y a le blocage du C, le harcèlement des caisses, l’avalanche de paperasserie et, apothéose, la gestion de la grippe A… Nous lançons ce mot d’ordre intersyndical pour alerter les pouvoirs publics sur notre inquiétude pour l’avenir de notre métier », confiait au « Quotidien » le Dr Philippe Le Rouzo, de la FMB du Morbihan. Cette journée fut la première d’une longue série.

Ce mouvement de contestation de la « base » a surpris jusqu’aux syndicats de médecins libéraux. Il fut soutenu et étendu au niveau national par MG-France, la FMF, l’Union Collégiale et le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) réunis au sein d’une intersyndicale baptisée « la France sans généralistes ». Près d’un cabinet sur cinq ferma ses portes le 11 mars, un beau succès. Une nouvelle journée de fermeture des cabinets fut programmée le 8 avril, qui rencontra une moindre audience avec 14 % de « grévistes ».

Outre ces opérations « portes closes », les quatre organisations ont encouragé leurs confrères omnipraticiens à demander la qualification de spécialiste de médecine générale et à appliquer la cotation CS. Des actions de contestation tarifaire des généralistes ont été enregistrées dans une soixantaine de départements.

Les mesures dites « vexatoires » de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) comme « les congés pointés ou les vacations à faire dans des territoires désertés… » ne sont pas les seules raisons du courroux des généralistes. Ces derniers ont également exprimé leur ras-le-bol de la paperasserie administrative imposée par les caisses d’assurance-maladie. À l’appel de l’Intersyndicale, les médecins généralistes furent invités à ne plus répondre au téléphone et à brancher leurs répondeurs après 19 heures, le 1er mars, et à ne plus télétransmettre les 8 et 29 mars pour protester contre la taxation des feuilles de soins papier. Une obligation dont l’entrée en vigueur prévue le 1er avril fut finalement reportée au 1er janvier – c’est-à-dire dans 15 jours. La loi HPST a ainsi programmé une « contribution forfaitaire aux frais de gestion » pour les praticiens qui n’assurent pas la transmission électronique. La taxe est fixée à 0,50 euro par feuille de soins papier, déduction faite d’un abattement de 25 %.

« Sans cette action, il ne se serait rien passé ».

La Confédération des syndicats médicaux français (CMSF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) ne se sont pas associés au mouvement de l’intersyndicale. La CSMF lança son propre mot d’ordre pour appeler les médecins généralistes à coter le C à 23 euros à partir du 15 avril, cette revalorisation n’étant pas incluse dans le règlement arbitral (en l’absence de convention). Pour sa part, le SML exhorta les médecins à ne pas télétransmettre les mardis.

La montée de la contestation à l’orée d’élections professionnelles programmées l’automne suivant a eu l’effet escompté. Le 16 avril, les médecins généralistes ont obtenu un premier geste d’apaisement des pouvoirs publics. Lors d’un déplacement dans un cabinet médical de Livry-Gargan, Nicolas Sarkozy annonçait la revalorisation du C à 23 euros et la possibilité offerte aux spécialistes de médecine générale de coter CS à partir du 1er janvier 2011. « Cette expression de la colère des médecins généralistes a été l’élément moteur qui a amené les pouvoirs publics à s’emparer de la médecine générale et de la médecine de proximité, analyse a posteriori le Dr Claude Leicher, président de MG-France. Sans cette action, il ne se serait rien passé. » Au lendemain d’élections régionales ayant traduit la fracture avec les médecins libéraux, l’Élysée décidait de revenir sur les contraintes de la loi Bachelot et de « soigner » la profession (lire ci-dessous).

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8879