« LE PATIENT est devenu impatient ». Ce constat, tiré de l’enquête* de la géographe Joy Raynaud sur les obstacles à l’accès aux soins dans la région Languedoc-Roussillon, remet en cause certains diagnostics classiques sur le système de santé. « Le problème du renoncement aux consultations n’est pas financier comme on pourrait s’y attendre », avance le Dr Jean-Paul Ortiz, président (CSMF) de l’URPS du Languedoc-Roussillon, qui a commandé cette étude.
Quinze pour cent des sondés éprouvent des difficultés à consulter un généraliste. Ils invoquent en priorité les horaires de consultation inadéquats et surtout le temps d’attente trop long au cabinet. Le manque de disponibilité du médecin pour un rendez-vous est cité par 6 % des patients. Les contraintes liées au trajet ou au coût des consultations sont… marginales (3 % dans les deux cas). Logiquement, ce sont les actifs, en particulier les employés et les artisans, qui déplorent le plus ces délais d’attente excessifs. Les 18-39 ans sont 60 % à s’en plaindre. Un vrai motif de dissuasion : 19 % des 25-34 ans ont plusieurs fois abandonné leurs démarches.
Selon l’enquête de l’union languedocienne, le temps de trajet n’est donc pas une cause significative du renoncement aux soins : 75 % des patients accèdent en moins de 10 minutes au cabinet. Et les trois-quarts seraient prêts à supporter des déplacements de 20 minutes. Paradoxalement, les campagnes ne sont pas les plus mal loties : 78 % des habitants de pôles ruraux consultent facilement un médecin contre seulement 67 % en zones urbaines sensibles. « La tendance à la désertification ne se manifeste pas là où on s’y attend, mais dans les quartiers difficiles, où les libéraux ne sont plus en sécurité » commente Jean-Paul Ortiz.
Spécialistes dans la tourmente.
Le tableau est plus sombre chez les spécialistes. Il confirme la carence de l’offre de soins en ophtalmologie, en dermatologie et en gynécologie. Alors que 71 % des personnes interrogées disent n’avoir aucune difficulté à voir un généraliste, ils ne sont que 32 % pour les spécialistes. Mais là encore, le coût des soins n’est invoqué que dans 6 % des cas (deux fois plus tout de même qu’en médecine générale en raison des dépassements). C’est la difficulté pour obtenir un rendez-vous (disponibilité) qui est la première cause du renoncement. Dans certains départements comme la Lozère, ou dans les zones urbaines sensibles, la longueur des trajets pose aussi problème. Ces contraintes conduisent 24 % des Languedociens à renoncer à une consultation.
Si cette enquête nuance les constats alarmistes sur le coût des soins, « elle reflète la paupérisation du médecin généraliste », analyse le Dr Ortiz. De fait, l’attente dans les cabinets de médecine générale s’explique. « Le professionnel n’a souvent pas les moyens de rémunérer une secrétaire, le temps du médecin balzacien avec sa femme à l’accueil est révolu » affirme le Dr Ortiz. À la lumière de cette étude, il demande aux pouvoirs publics d’encourager l’exercice regroupé des généralistes comme des spécialistes, permettant de mutualiser les moyens et de regagner du temps médical. « Il faut libérer le professionnel des contraintes administratives », résume le Dr Ortiz.
*Enquête CSA réalisée par téléphone auprès de 1 006 personnes de la région.
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