Absente des vœux d'Emmanuel Macron - et à peine évoquée par François Braun lors des siens le 30 janvier -, la montée en charge du tiers payant revient dans l'actualité à l’initiative des libéraux et des complémentaires. En septembre dernier, les représentants des trois familles de complémentaires santé – le CTIP pour les institutions de prévoyance, la Mutualité française pour les mutuelles et France Assureurs pour les assurances privées – et l'intersyndicale des Libéraux de santé (dont font partie la CSMF et le SML) ont signé un « accord de collaboration » visant à améliorer les « dispositifs de dispense d’avance de frais ».
Cinq mois plus tard, les travaux entre les professionnels de santé et les complémentaires avancent bien, afin de « trouver des solutions libérales de tiers payant » adaptées au quotidien des soignants, assure au « Quotidien » Sébastien Guérard, président des Libéraux de santé (LDS).
L’idée est de mettre à disposition des soignants des outils plus fluides pour faciliter la dispense d'avance sur frais, tout en garantissant un paiement en temps et en heure. Ces avancées pourront concerner « tous les patients et tous les professionnels de santé qui souhaitent en faire bénéficier leur patient », indique Sébastien Guérard. Toutefois, « il est impensable qu’on nous impose une solution, le volontariat est primordial », martèle le kiné. Un pied de nez aux percées politiques successives depuis 2016 avec le tiers payant généralisé voulu par Marisol Touraine, puis transformé en généralisable par Agnès Buzyn et finalement remis aux calendes grecques.
Faciliter le rapprochement bancaire
Après plusieurs mois de travaux, les signataires de l’accord ont finalement décidé de se concentrer sur les solutions de tiers payant déjà existantes, pour les améliorer. « Beaucoup sont sous-utilisées par les professionnels. Tout l’enjeu désormais c’est de leur apporter des garanties, notamment de paiement », témoigne Sébastien Guérard, qui évoque plusieurs points bloquants au quotidien pour les libéraux. « Aujourd’hui par exemple, les patients changent souvent de mutuelles et, pour les professionnels qui font des actes en série, comme les kinés ou les infirmières, si on fait un tiers payant puis que le patient change de mutuelle, il disparaît dans la nature. C’est très difficile d’être payé », raconte-t-il.
Seconde difficulté de terrain : le rapprochement bancaire, chronophage et source d'erreurs. « C’est difficile de retrouver ses petits lorsque l’on fait son pointage bancaire, rapporte Sébastien Guérard. Il y a un éclatement des flux car les complémentaires vont payer part lot, pour plusieurs patients ». Les signataires s’activent donc à trouver « une solution technique pour faciliter ce pointage », indique le président de l'intersyndicale. Des améliorations techniques - plus incitatives pour les confrères - qui permettraient de « réduire le temps administratif au bénéfice du temps consacré aux soins », indique le consortium.
Miser sur les concentrateurs
Meilleure identification des bénéficiaires et des droits, simplicité de facturation et de suivi des paiements : en améliorant les dispositifs déjà existants de tiers payant, les signataires entendent notamment s’appuyer sur les concentrateurs techniques.
Paymed ou Resopharma, ces concentrateurs techniques « sont des tiers de confiance à qui on va déléguer la responsabilité de faire la pêche aux petits, avec un engagement d’être payé dans les meilleurs délais, y compris pour le reste à charge », explique le kiné. Les concentrateurs sont notamment chargés d’acheminer les informations auprès des AMC et des AMO. « En un clic, le professionnel édite une facture et est payé dans les 24 ou 48 heures », précise Sébastien Guérard. Le consortium souhaite donc déployer davantage ces formules.
« Il est hors de question que ça devienne une obligation ! »
Ces adaptations seront réalisées « pour que tous les professionnels de santé, s’ils le souhaitent soient en mesure d’installer sur leur poste de travail les logiciels adaptés », assurent les signataires de l’accord. Une pratique du tiers payant qui devra aussi « prendre en compte les spécificités de certains modes d’exercice », précisent-ils.
En œuvrant à des solutions fluides de dispense d'avance de frais, le consortium souhaite faciliter l’accès aux soins pour les patients et « apporter une réponse à leurs enjeux de pouvoir d’achat ». Car si le tiers payant « devient simple, efficace et maîtrisé par les professionnels de santé, alors ils avanceront plus facilement les frais », assure Sébastien Guérard. Toutefois, le président des LDS martèle une nouvelle fois qu'« il est hors de question que ça devienne une obligation ! », balayant ainsi la question du tiers payant généralisé.
Un « enjeu important » pour Braun
Entre les débats sur la « Grande Sécu » lors de la campagne présidentielle - « et la volonté politique d’avancer sur le tiers payant intégral, nous, libéraux, avons tout intérêt à trouver des solutions », insiste encore Sébastien Guérard.
Lors de ses vœux aux « forces vives » du monde de la santé fin janvier, François Braun n'avait évoqué le sujet qu'au travers d'une phrase lénifiante, précisant que « le déploiement du tiers payant comptait parmi les enjeux importants à ne pas perdre de vue ».
Les travaux des Libéraux de Santé et des fédérations de complémentaires vont se poursuivre, « sans date butoir », précise le président de l’intersyndicale. Leurs conclusions seront ensuite partagées avec l’Assurance-maladie, l’Union nationale des professions de santé (UNPS), l’association Inter-AMC et le Comité de dialogue avec les organismes complémentaires, dans une démarche de « coconstruction », assurent les signataires.
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