Trois ans après l’accord conventionnel, le taux de dépassement moyen des médecins de secteur II se réduit et les nouveaux spécialistes s’installent moins en secteur II. Un effet du contrat d’accès aux soins (CAS) de modération tarifaire et de la procédure de sanctions conventionnelles, selon un bilan de la CNAM dévoilé par « le Quotidien ».
« Je sécuriserai l’accès aux soins de tous les Français en encadrant les dépassements d’honoraires ».
Cette promesse du candidat Hollande est en bonne voie. L’accord conventionnel signé en octobre 2012 par l’assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux (CSMF, SML et MG France), le célèbre avenant 8, a en tout cas modifié les pratiques tarifaires.
Après 20 ans de hausse ininterrompue, le taux moyen de dépassement des médecins de secteur II s’est stabilisé en 2012, a amorcé une décrue en 2013, qui s’est accélérée en 2014 et 2015, selon un bilan de la CNAM, que « le Quotidien » révèle en exclusivité.
De fait, alors que le taux moyen de dépassement progressait de presque 2 points par an à la fin des années 2000, la tendance s’inverse (tableau) : 55,4 % en 2012, 55,1 % en 2013, puis 54,1 % en 2014 et même 53,4 % en septembre 2015. L’effet de l’avenant 8 (contrat d’accès aux soins, sanctions conventionnelles), dans un contexte économique difficile, expliquent cette inversion. « La dynamique paraît durablement enclenchée », veut croire la CNAM (même si le montant global des dépassements en valeur continue de progresser légèrement).
11 441 signataires du CAS
Le nouveau contrat d’accès aux soins (CAS) de modération tarifaire, instauré en décembre 2013, a fait recette. Au 31 septembre 2015, il a été signé par près de 11 450 praticiens dont 8 034 en secteur II et 3 407 médecins de secteur I titrés (anciens chefs de clinique…). Les adhérents du CAS devaient geler leurs tarifs et dépassements pendant trois ans.
Pari gagné : le taux de dépassement moyen des seuls médecins de secteur II signataires de ce contrat a baissé de six points en trois ans. Il est passé de 28,4 % en 2012 à 22 % en 2015 ! Certains objecteront que le CAS, à l’origine destiné aux spécialités de bloc (chirurgie, obstétrique, anesthésie) n’a pas vraiment atteint son but. Seulement 2 000 praticiens exerçant sur plateaux techniques lourds y ont adhéré alors qu’il a davantage séduit les généralistes (et MEP).
Ce contrat a aussi été choisi par des praticiens ayant de faibles taux de dépassement et qui ont profité d’un effet d’aubaine pour la prise en charge d’une partie de leurs cotisations sociales. Les détracteurs reprochent également à ce contrat d’avoir ouvert un espace de liberté tarifaire à 3 400 médecins qui en étaient privés ; cela explique notamment pourquoi le montant total des dépassements continue d’augmenter (2,46 milliards d’euros en 2014, tous régimes, selon la CNAM).
Davantage d’actes aux tarifs opposables
Outre la baisse du taux de dépassement, l’avenant 8 a entraîné une progression de la part d’actes réalisée aux tarifs opposables par les médecins à honoraires libres. En 2011, un tiers de leurs actes cliniques et techniques étaient aux tarifs Sécu. La proportion grimpe à près de 36 % en 2014, et continue de croître, selon la CNAM.
Certaines spécialistes de secteur II s’illustrent par une part très conséquente d’actes aux tarifs opposables à l’instar des néphrologues (près de 90 %), radiothérapeutes (87 %) ou des spécialistes de médecine nucléaire (85 %). À l’inverse, les gynécologues médicaux ou les dermatologues de secteur II pratiquent quasi- systématiquement des dépassements (près de 90 % de leurs actes).
Sans surprise, les praticiens ayant adhéré au CAS réalisent davantage encore d’actes en secteur I. Depuis 2014, toutes spécialités confondues, plus d’un acte sur deux des médecins signataires du CAS a lieu sans aucun complément d’honoraire.
Installation des spécialistes : beaucoup moins de secteur II
C’est l’un des enseignements majeurs : trois ans après l’adoption de l’avenant 8, « l’arrivée du contrat d’accès aux soins a fait reculer les installations en secteur II [hors CAS, donc] et ce pour toutes les spécialités », observe la CNAM. Ils étaient près de six spécialistes sur dix à opter pour les honoraires libres en 2011. Ils ne sont plus désormais que 43 % en 2014! La différence s’opère en faveur des installations dans le nouveau secteur du CAS (17 %). Dans le même temps, les débuts d’exercice des spécialistes en secteur I se stabilisent (autour de 40 %).
Sur les 3 522 nouveaux installés en 2014 (toutes spécialités, y compris la médecine générale), près de 7 médecins sur 10 se font donc à tarifs opposables. Près de 98 % des 1 800 nouveaux généralistes ont démarré leur activité en secteur I.
Cotisations sociales : 5 500 euros pour les secteur II en CAS
En 2013, l’assurance-maladie a participé en moyenne à hauteur de 5 500 euros aux cotisations sociales des médecins de secteur II signataires du contrat d’accès aux soins qui ont respecté leurs engagements (tarifs et taux de dépassement stabilisés, etc.). Le montant de la prise en charge des caisses a atteint 6 950 euros pour les seuls spécialistes. Au total, l’ardoise s’est élevée en 2013 à environ 29 millions d’euros pour la CNAM qui n’est pas en mesure de donner le montant des cotisations à verser pour 2014.
Selon l’assurance-maladie, près de 8 800 médecins en secteur I et II ont respecté leurs engagements sur 2013 (soit 83 % des signataires) tandis que 1 740 ne les ont pas tenus.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique