LE QUOTIDIEN : En vertu de l’avenant 8, la commission paritaire d’Ile-de-France vient de vous infliger une interdiction de pratiquer des honoraires majorés pendant deux mois pour des tarifs jugés excessifs. Elle a constaté un taux de dépassement moyen compris entre 382 % et 400 %, parmi les plus élevés de votre département. Comment réagissez-vous ?
DR DENIS COLIN : Mes consultations sont beaucoup plus longues que la moyenne des omnipraticiens. Elles durent en moyenne une heure ! Je ne peux être comparé à aucune autre pratique médicale, si ce n’est celle du psychiatre, du moins pour le temps passé. Je reçois un patient par heure, douze heures par jour. Malgré mes dépassements, cela m’amène à un tarif horaire de 120 euros, soit en dessous d’un médecin généraliste. J’ai 10 000 euros de charges fixes par mois à Paris. Et je précise que je suis vice-président de la fédération mondiale d’acupuncture...
Si un patient dont je suis médecin traitant vient pour une pathologie ne nécessitant pas d’acupuncture, je ne le fais pas payer. Les patients reçus gratuitement représentent au moins 10 % de mes actes, mais cela n’entre pas dans les statistiques de la caisse. J’ai aussi 20 % de patients qui paient moins de 70 euros. La caisse ne comptabilise que mes patients qui payent, si bien que 99,2 % d’entre eux ont un dépassement, même s’il est parfois modeste.
Comment la procédure a-t-elle commencé ? Quelle a été votre réaction ?
Avant même la mise en place de la procédure de sanctions prévue par l’avenant 8, j’ai reçu un premier courrier de ma caisse le 15 février 2012 dans lequel elle me faisait part de ses constatations sur mes pratiques tarifaires. Je n’ai pas modifié mes tarifs, ça m’est impossible. Une fois les charges déduites, j’ai des revenus nets qui n’excèdent pas 3 500 à 4 000 euros par mois. J’ai reçu un deuxième courrier de la caisse le 5 avril 2012, me prévenant que mon dossier allait être transmis au conseil départemental de l’Ordre de Paris, pour non-respect du tact et de la mesure. J’ai été auditionné par la présidente de l’Ordre parisien. Je lui ai présenté mes arguments, elle a considéré que je n’étais pas dans l’excès, et aucune sanction n’a été envisagée à l’époque.
L’assurance-maladie a donc continué ses poursuites ?
J’ai reçu un courrier d’avertissement de la caisse en juin 2013 précisant que mon taux moyen de dépassement était de 382 %, et me donnant deux mois pour modifier mes pratiques. Comme je ne les ai pas modifiées, j’ai reçu un autre courrier le 29 novembre 2013, m’informant que la caisse comptait poursuivre la procédure de l’avenant 8, et me proposant un rendez-vous.
Le 18 décembre, j’ai été reçu par le directeur. J’ai exposé mes arguments. J’ai précisé que mes revenus nets étaient inférieurs à la moyenne des généralistes non-acupuncteurs de la région. J’ai souligné le niveau des charges à Paris. Je lui ai rappelé que je ne causais aucun problème d’accès aux soins étant donné que, d’une part mes patients payent ce qu’ils peuvent, et d’autre part que j’exerce dans un quartier majoritairement habité par des cadres supérieurs et des professions libérales. Mais le directeur n’avait que le mot "dépassement" à la bouche, un discours idéologique. On me reproche un délit statistique sans tenir compte de la particularité de mon exercice.
Je suis passé en commission paritaire régionale le 4 mars. J’ai été jugé sur pièces, sans être entendu. Le 6 mars, j’ai reçu une lettre recommandée me disant que la commission jugeait ma pratique tarifaire excessive et qu’elle se prononçait pour l’interdiction pendant deux mois de pratiquer des honoraires différents. La notification de cette interdiction ne m’est pas encore parvenue. Le directeur de la caisse m’avait indiqué qu’il pouvait, in fine, ne pas appliquer la sanction.
Dans quel état d’esprit êtes-vous après cette sanction ?
Je suis dans une rage folle. Ils s’en tiennent à un discours idéologique sans examiner ma situation réelle. On me demande de facturer 23 euros à chacun de mes patients. Le mercredi, je travaille à l’hôpital (pour une vacation mensuelle de 300 euros), ça me fait donc 50 patients par semaine. Multiplié par 23 euros, ça fait 1 150 euros par semaine, soit moins de la moitié de mes charges et frais professionnels. On m’accule à la faillite, c’est délirant, c’est un assassinat professionnel.
Comptez-vous en rester là ?
Je suis en train d’analyser si cette décision est légale. Les psychiatres bénéficient d’un acte majoré à presque 50 euros du fait de la durée de leurs consultations. Si on nous donnait la même chose, je ne serais plus en dépassement excessif. Je compte saisir le conseil d’État si la sanction m’est appliquée. J’ai l’impression d’être le fusillé pour l’exemple.
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