Alors que les syndicats de généralistes libéraux programment un mouvement de fermeture des cabinets, fin décembre, notamment pour réclamer le passage de la consultation à 25 euros, un livre dense et bien documenté tombe à point nommé. Le « revenu des professions de santé », coédité par la Mutualité française*, apporte de l’eau au moulin des défenseurs de la médecine générale.
Ce n’est pas un scoop : les revenus des médecins dans l’Hexagone se caractérisent par une forte disparité des situations entre spécialités et secteurs d’activité. « La compétence technique demeure survalorisée par rapport à la compétence clinique », peut-on lire. L’économiste Jean de Kervasdoué, professeur émérite au CNAM, qualifie carrément d’« indigne » le niveau de la consultation de secteur I à 23 euros, un tarif décroché dans la hiérarchie des services. Une consultation classique dure en moyenne 18 minutes et le revenu brut horaire est de 76 euros soit 43 euros charges déduites.
Les spécialités cliniques se retrouvent année après année au bas de l’échelle des revenus. La réévaluation est d’autant plus urgente que, malgré la croissance de la part des rémunérations forfaitaires et sur objectifs de santé publique (ROSP), le C procure toujours plus de 85 % des revenus au généraliste… Dans un éclairage utile sur l’évolution du revenu depuis le début des années 2000, l’économiste Laurence Hartmann montre que le taux de croissance annuel moyen du bénéfice de la médecine générale n’est que « très faiblement positif » (1,9 %) entre 2002 et 2010. Si l’on intègre l’inflation, la progression du revenu est quasiment nulle.
Tandis que le tarif moyen de l’acte généraliste a stagné en prix constants (+0,8 % entre 1991 et 2010), les volumes ont bondi de 42 %, passant de 2 894 actes par an à 4 127…
Au petit jeu difficile des comparaisons avec le secteur privé, les généralistes disposeraient d’un revenu « très comparable » aux autres cadres et professions intellectuelles supérieures dès lors qu’on tient compte du temps de travail déclaré (près de 58 heures hebdomadaires par médecin).
Confrères étrangers souvent mieux lotis
Les généralistes français sont globalement moins honorés que leurs confrères de l’OCDE. Les GP’s britanniques travaillant pour le service national de santé (NHS) gagnaient, en 2010, deux fois plus que leurs homologues de l’Hexagone (voir page 7).
Si l’on compare la rémunération du médecin de famille au salaire moyen national, le revenu des généralistes libéraux français (un peu plus de deux fois le salaire moyen) est « comparativement plus faible » qu’au Royaume-Uni, Pays-Bas, Irlande, Danemark, Canada ou Belgique (jusqu’à 3,5 fois le salaire moyen).
« On ne choisit pas, en France, une profession médicale pour devenir riche », ose Jean de Kervasdoué. Et surtout pas la médecine générale.
Tout changer ?
Au-delà du revenu, cet ouvrage pose la question du rôle du médecin traitant et de ses moyens dans la coordination des soins primaires. Aux États-Unis, moins de 1 % des médecins exercent de façon isolée, le cabinet libéral solitaire et le paiement à l’acte ont quasiment disparu, insiste Jean De Kervasdoué. Parallèlement de très nombreuses tâches sont effectuées par des paramédicaux spécialisés ou des assistants médicaux, ce qui change la donne. Ce débat fait écho à certaines mesures controversées de la future loi de santé dont l’autorisation de vaccination accordée aux pharmaciens et sages-femmes mais aussi la création de nouveaux métiers (infirmiers cliniciens).
De là à prôner une « révolution » des soins primaires en France, il n’y a qu’un pas que l’ex-directeur des hôpitaux, Jean de Kervasdoué, envisage avec prudence. Son ouvrage suggère de rouvrir le « chantier gigantesque » de la nomenclature et de lancer une étude complète sur le système de la capitation, c’est-à-dire un forfait annuel pour la prise en charge globale d’un malade (déjà en place dans la plupart des pays d’Europe du Nord).
Pour Jean de Kervasdoué, qui se garde de donner des leçons sur le « bon niveau » de revenu de telle ou telle spécialité, le système actuel de tarification est à la fois archaïque, opaque, lent, source d’injustice et de rentes.
* « Le revenu des professions de santé », sous la direction de Jean de Kervasdoué. Éditions Économica, octobre 2014, 27 euros
Quatre généralistes font vivre à tour de rôle un cabinet éphémère d’un village du Jura dépourvu de médecin
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur