59 % des médecins libéraux se déclarent favorables à l’avenant 8 à la convention, qui prévoit de réguler les dépassements, de sanctionner les abus et de réévaluer certains tarifs de secteur I.
À l’inverse, 60 % des médecins libéraux restent hostiles à la nouvelle rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), instaurée il y a un an. Tels sont les enseignements du sondage IFOP pour « le Quotidien », qui bouscule les idées reçues.
C’EST UN SONDAGE qui jette une lumière crue sur les deux derniers chapitres les plus marquants de la convention médicale : la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP ou P4P pour paiement à la performance) instaurée au 1er janvier 2012 ; et l’avenant 8 signé le 25 octobre dernier, un texte à entrées multiples (régulation des dépassements, sanctions, revalorisations) dont l’application se révèle compliquée. Paradoxalement, il ressort de ce sondage que le P4P reste un système de rémunération très controversé dans la profession avec 60 % d’opinions défavorables. À l’inverse, l’avenant 8, qui déchaîne les passions conventionnelles, recueille désormais une majorité d’avis positifs, mais avec des clivages marqués. Explications.
• P4P, un système mal perçu, sauf par les jeunes.
Petite révolution inspirée du modèle britannique, le paiement à la performance a fait ses gammes (théoriques) en 2012, succédant au décrié CAPI. Désormais, une partie des revenus des médecins libéraux peut dépendre directement de la réalisation d’objectifs de santé publique et d’efficience avec deux champs d’action : l’organisation du cabinet (informatisation) et la qualité de la pratique (prévention, suivi des pathologies chroniques, prescriptions). Les partenaires conventionnels ont ainsi construit un troisième pilier de la rémunération (primes de résultat), à côté du paiement à l’acte, ultra-dominant, et des forfaits.
Un an après ce virage stratégique, notre sondage révèle que la perception générale de ce nouveau mode de rémunération reste négative puisque le P4P recueille 60 % d’opinions défavorables chez les praticiens libéraux. Surprise : ce score de défiance est quasi-identique chez les généralistes, concernés au premier chef, et chez les spécialistes auxquels ce système est étendu par étapes (cardiologues, gastroentérologues, endocrinologues, pédiatres...) même si, logiquement, ces derniers semblent moins au courant.
In fine, seuls 30 % des médecins libéraux (34 % des généralistes, 23 % des spécialistes) estiment que le P4P est une « bonne chose » avec, fait révélateur, des résultats très faibles d’adhésion enthousiaste (4 % du corps médical y voit une très bonne chose). En revanche, un tiers des médecins restent farouchement hostiles, toutes disciplines confondues.
Les jeunes médecins sont beaucoup plus ouverts à la rémunération à la performance que leurs aînés (51 % des moins de 45 ans sont pour le P4P, contre 29 % des plus de 60 ans). Les praticiens des communes rurales adhèrent également davantage (42 %) que ceux des villes de province (30 %) ou de l’agglomération parisienne (20 %). En revanche, sur ce sujet, il n’y a pas de clivage net de sexe ou de proximité politique (56 % des médecins se disant de gauche sont hostiles au P4P contre 62 % des praticiens se déclarant de droite).
Plusieurs enseignements peuvent être tirés. D’abord, on constate un décalage entre les scores de déclaration en ligne des indicateurs par les médecins eux-mêmes (plus de 75 % des généralistes ont déjà confirmé leur adhésion et pourront prétendre à la rémunération sur objectifs...) et la perception (individuelle, philosophique) du P4P qui essuie depuis l’origine de rudes critiques (choix contestable des items, usine à gaz, dépendance aux données de la CNAM, risque de conflit avec les patients). Outre ces griefs de fond, le caractère encore théorique du système « à la française » peut expliquer la réticence des médecins. Ces derniers ne recevront qu’en mars les premières primes P4P, fruits de leur engagement (jusqu’à 9 100 euros pour le dispositif dédié au médecin traitant et jusqu’à 1 750 euros pour le volet organisation du cabinet qui s’adresse à tous les praticiens).
Enfin, le sondage montre une corrélation entre la perception du P4P par les libéraux et la cote de confiance de Marisol Touraine qui s’érode (Quotidien du 25 février). Ainsi trois quarts des médecins qui ne font pas confiance à Marisol Touraine rejettent la rémunération sur objectifs.
• Avenant 8 : les défenseurs majoritaires, un noyau dur d’hostilité
Encore une demi-surprise : l’avenant 8, si âprement négocié et qui provoque aujourd’hui un vaudeville conventionnel autour du volet sanctions (lire ci-dessous), recueille une majorité d’opinions favorables chez les médecins (59 %), bienveillance plus marquée chez les généralistes (61 %) que chez les spécialistes (56 %).
Dans le contexte actuel, ce résultat est plutôt une bonne nouvelle pour les syndicats qui assument encore leur signature (la CSMF et MG France) mais aussi pour la CNAM qui s’apprête à promouvoir son contrat d’accès aux soins auprès des médecins de secteur II.
En revanche, il existe bien un noyau dur d’opposants farouches (le quart de la profession) qui explique la surmobilisation actuelle contre l’avenant 8, perceptible notamment sur les forums médicaux. Ainsi 24 % des praticiens (29 % des spécialistes !) ne sont pas du tout favorables à ce compromis. La nouvelle procédure de sanctions des dépassements abusifs, sous la férule de la CNAM, et les menaces qui pèsent sur le secteur II expliquent en partie ce rejet.
Avec 70 % d’opinions positives chez les moins de 45 ans, l’avenant 8 convainc davantage les jeunes médecins. Il est également beaucoup mieux accueilli par les praticiens des communes rurales (68 % d’avis positifs contre 47 % en région parisienne).
L’avenant 8 semble en réalité analysé comme un texte à multiples facettes qui « clive » la profession tout comme il divise ses représentants. Chacun se forge son jugement entre les revalorisations de secteur I, les mesures pour l’accès aux soins et la solvabilisation des patients (extension des tarifs opposables, dépassements maîtrisés), le nouvel espace tarifaire pour les anciens chefs de clinique, mais aussi le sort incertain du secteur II, le nouveau pouvoir punitif des caisses ou encore la montée en puissance des complémentaires dans le jeu conventionnel.
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