Pendant plus de dix ans, elle a dupé toute la Silicon Valley. Le procès d’Elizabeth Holmes, fondatrice de la société Theranos, spécialisée dans le diagnostic médical, s’est ouvert mercredi à San José, en Californie. Celle qu’on présentait en 2014 comme la digne héritière de Steve Jobs est aujourd’hui poursuivie pour fraude massive, après avoir levé des millions de dollars autour d'une technologie d’analyse sanguine présentée comme révolutionnaire. Une révolution qui s’est révélée être un écran de fumée.
En 2002, Elizabeth Holmes intègre la prestigieuse université de Stanford, au sud de San Francisco. Après une année d’étude de chimie, elle lance à 19 ans sa start-up, Theranos, et abandonne l’Université. Theranos s’ouvre rapidement à plus de 200 analyses sanguines.
Elizabeth Holmes entend alors bousculer le domaine, proposant un outil diagnostic soi-disant capable de réaliser des analyses à partir d’une simple goutte de sang, contre plusieurs tubes normalement. Le tout à des prix défiant toute concurrence : 3 dollars pour un bilan lipidique, 35 pour un test de fertilité facturé parfois plusieurs milliers de dollars aux États-Unis.
Personne ne connaît précisément le fonctionnement de cette technologie « révolutionnaire » et la jeune Américaine continue à entretenir le mystère, à grands coups de dépôts de brevets, une dizaine en moins de 10 ans.
Fortune personnelle de 3,6 milliards de dollars
À 30 ans, Elizabeth Holmes fait le tour des plateaux télé, intervient dans les congrès de la Silicon Valley, rencontre des universitaires et des politiques. L'ancien secrétaire d'État, Henry Kissinger, ou encore l'ancien ministre de la Défense, James Mattis, ont par exemple fait partie du conseil d'administration de Theranos.
Rapidement surnommée « la nouvelle Steve Jobs », la cheffe d’entreprise n’hésite plus à jouer sur la ressemblance dans le look, arborant en couverture de « Forbes » le même col roulé noir que le patron d’Apple. La campagne de communication porte ses fruits et les financements ne tardent pas à pleuvoir sur Theranos.
Après une levée de fonds de 700 millions de dollars, la société est finalement valorisée à 9 milliards de dollars en 2015. Theranos signe des partenariats avec les géants de la distribution américains, dont Walgreens qui souhaite équiper ses officines. Consécration : Elizabeth Holmes devient même la plus jeune milliardaire à ne pas avoir hérité de sa fortune, estimée à l’époque à 3,6 milliards de dollars.
Seulement, la success story commence à intriguer. Aucune publication scientifique, pas de réelle explication de la technologie utilisée… La chute interviendra en 2015, lorsque le Wall Street Journal publiera une enquête, qui révèle que Theranos n’utilisait pas ses propres machines pour réaliser les analyses sanguines.
La majorité des échantillons étaient en réalité envoyés à des laboratoires de biologie classiques. Pour masquer les incohérences dans les résultats, Theranos a, par ailleurs, effacé un an de données. Elizabeth Holmes tentera de bloquer la publication de l’article du « Wall Street Journal » – sans succès – en intervenant directement auprès du propriétaire du journal, Rupert Murdoch, lui-même investisseur à hauteur de plusieurs millions de dollars dans Theranos.
Les machines ne marchaient pas
L’article du « Wall Street Journal » met cependant la puce à l’oreille des autorités américaines, qui finissent par découvrir une supercherie bien plus vaste. Faux résultats d’analyse, édition de faux contrats, comptes de la société falsifiés… Elizabeth Holmes allait même jusqu’à faire ses démonstrations sur des prototypes qui n’étaient pas fonctionnels.
Pire : des patients victimes de ces analyses défectueuses ont subi des mauvais diagnostics de cancer, de VIH ou encore d'annonce de grossesse. Et, alors que Theranos avançait un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars, la société pesait, en réalité, 100 000 dollars. Mille fois moins.
Analyses rapides et pas chères
Inculpée pour fraude massive, Elizabeth Holmes finit par licencier des salariés par centaines. Theranos fermera ses portes en septembre 2018. Trois ans plus tard, le procès de la startupeuse s’est ouvert en Californie. Les procureurs tenteront de persuader les jurys que l'ex-entrepreneuse savait que ses machines ne marchaient pas et qu'elle a menti aux investisseurs, médecins et patients pour lever des fonds.
Selon John Carreyrou, le journaliste du « Wall Street Journal » qui a révélé le scandale, la dirigeante croyait véritablement à sa vision d'analyses sanguines faciles, rapides et pas chères. « Elle savait qu'elle mentait par moments, mais sa fin noble lui semblait justifier les moyens », a-t-il déclaré début juillet à la chaîne américaine CNBC.
À 37 ans, Elizabeth Holmes risque jusqu'à 20 ans de prison pour les onze accusations qui pèsent contre elle : neuf de fraudes et deux pour association de malfaiteurs.
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