JAZZ-ROCK - Jazzmen de choc

Carré d’as

Publié le 16/05/2011
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Crédit photo : DR

ALORS QUE la plupart des festivals de l’été seront placés sous le signe de Miles Davis, à l’occasion du 20e anniversaire de sa disparition, Marcus Miller, qui fut l’un des artisans de la renaissance, et surtout de la reconnaissance, voire de la vulgarisation, de Miles auprès d’un plus grand public, succombe également à la tentation commémorative. Il sort « Tutu Revisited » (Dreyfus Jazz/Sony Music). Enregistré en direct à Lyon en décembre 2009, ce double CD, augmenté d’un DVD, revisite, outre le titre phare, « Tutu » (écrit en 1986), d’autres morceaux, comme « Jean-Pierre », « Tomaas » ou « Human Nature » et « So What », qui furent des tubes dans le répertoire du trompettiste, notamment dans la dernière partie de sa carrière. Pour mener à bien son travail de mémoire, le multi-instrumentiste (guitare et clarinette basse), compositeur et arrangeur, a fait appel un jeune trompettiste surdoué de la Nouvelle-Orléans, Christian Scott. Une très belle évocation et immersion dans un monde musical, aux sonorités électriques et binaires, qui manque cruellement.

Il existe encore des producteurs qui osent faire appel à ce que l’on appelait autrefois un « All Star ». Manfred Eicher, patron du label ECM (Universal), a rassemblé une semaine durant, en décembre 2009, au célèbre club new-yorkais Birdland, des vétérans emblématiques qui ont contribué à l’histoire du jazz, Lee Konitz (alto-saxe), Charlie Haden (contrebasse), Paul Motian (batterie), et un brillant et hyperdoué jeune loup, Brad Mehldau (piano). Bref, un quartette de superlatifs ! Et pour cimenter cet assemblage exceptionnel dans un CD tout aussi exceptionnel, « Live at Birdland » (ECM/Universal), il fallait faire appel à un répertoire reconnu. Six grands standards, joués et rejoués (« Loverman », « Lullaby of Birdland », « Solar », « I Fall in Love to Easily », « You Stepped Out of a Dream » et « Oleo »), qui reprennent des couleurs devant le talent incomparable et incroyable de ces quatre leaders et solistes. Le jazz dans son essence même !

Wynton Marsalis, star outre-Atlantique mais souvent décrié en France à cause de son classicisme et de la défense de certaines valeurs du jazz, aime pourtant bousculer les frontières musicales. Après un premier album en 2008 avec l’une des icônes de la musique country, le légendaire Willie Nelson, il récidive, avec comme invitée la chanteuse Norah Jones. C’est comme si, chez nous, Michel Portal conviait Zaz et Guy Béart sur scène... Inimaginable ! Avec « Here We Go Again » (Blue Note/EMI), les trois ont décidé de rendre hommage au répertoire de Ray Charles, en reprenant certains de ses plus grands succès, accommodés à la sauce jazzy grâce aux arrangements du trompettiste. Un sacré clin d’œil typiquement américain.

Souvent, la planète jazz est soumise à des turbulences heureuses. Ainsi, l’émergence d’Ambrose Akinmusire*. Né voici 29 ans à Oakland, en Californie, d’un père nigérian et d’une mère américaine, le trompettiste a remporté en 2007, le premier prix de la Thelonious Monk Jazz Competition (qui comptait parmi les juges Quincy Jones,Terence Blanchard, Clark Terry et Roy Hargrove), après avoir été membre du groupe Five Elements de Steve Coleman et, plus récemment, de la formation Baïlador de Michel Portal. Après un premier album intimiste en 2007, il signe sur le prestigieux label Blue Note (EMI), pour son deuxième CD, « When The Heart Emerges Glistening », coproduit avec son pianiste, Jason Moran. Le maître mot qui se dégage de cette musique originale, c’est sa forte énergie positive, combinée à un phrasé et une technique débridés, associés à des rythmes post-free, capables de libérer les instruments, dont celui du leader. Une nouvelle étoile est née au firmament du jazz !

* Paris, Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés, 17 mai. Paris, Duc des Lombards, du 25 au 27 juin. Oloron (Jazz à Oloron), 1er juillet . Vienne (Jazz à Vienne), 13 juillet.

DIDIER PENNEQUIN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8963