* Un désarroi, un sentiment de chagrin moral peuvent saisir le spectateur qui, aimant Molière, assiste à la représentation de la première version du « Tartuffe ». En effet, pour honorer dignement le « patron », la Comédie-Française a choisi de monter « le Tartuffe ou l’hypocrite », première version de la célèbre comédie « le Tartuffe ou l’imposteur ». Restituée par le grand connaisseur de Molière, Georges Forestier, avec Isabelle Grellet, la comédie, en trois actes seulement (Portaparole éditeur, 16 €), avait été interdite au lendemain de sa création le 12 mai 1664, sur ordre de l’Archevêque de Paris à son ancien élève Louis XIV. Molière s’était remis au travail et la pièce en cinq actes avait été créée le 5 août 1667. Il était donc très intéressant de marquer le quatrième centenaire de la naissance de Jean-Baptiste Poquelin avec ce Tartuffe premier. Or, le metteur en scène belge Ivo van Hove fait l’esprit fort, se plaît à tout ridiculiser, se complaît dans de délétères suggestions, dont la conclusion est une scène finale digne d’un cabaret miteux. Stoïques, les comédiens sont magnifiques. Claude Mathieu, Denis Podalydès, Christophe Montenez, Marina Hands, Dominique Blanc, Julien Frison, Loïc Corbery. On ne comprend pas qu’ils ne se révoltent pas contre cet ajout stupide, d’un goût extrêmement douteux. On s’accroche au texte, à la profondeur des incarnations (en alternance jusqu’au 24 avril, comedie-francaise.fr).
* Autre production de la Comédie-Française, « Dom Juan » mis en scène par Emmanuel Daumas au Vieux-Colombier. Ici encore, des interprètes formidables, cinq seulement, dans une « paupérisation relative » voulue par Éric Ruf, Administrateur général. Un théâtre de tréteaux qui exige des comédiens de changer sans cesse de personnage. Exceptés Don Juan, Laurent Lafitte, sobre « grand seigneur méchant homme », et Sganarelle, le merveilleux Stéphane Varupenne, tous se démultiplient. Alexandre Pavloff en sept, Jennifer Decker en quatre, Adrien Simion, jeune artiste auxiliaire sorti du Conservatoire, en huit. Autant la direction de jeu est fine, très intéressante, autant costumes et maquillages sont assez moches. Lorsque l’on a la chance d’être auprès de la scène, on scrute les interprètes et l’on admire le très tenu, très juste Laurent Lafitte et le très fin Stéphane Varupenne. La ravissante et déliée, très sensible Jennifer Decker est, elle aussi remarquable. Le grand Alexandre Pavloff s’offre un festival de travestissements et de compositions, tandis qu’Adrien Simion impose sa personnalité fluide. C’est un beau travail (jusqu’au 6 mars, Vieux-Colombier, comedie-francaise.fr).
* Pour un Molière très vivant, ne manquez pas « Molière 400 ans », les conférences que Georges Forestier donne chaque lundi au Poche-Montparnasse. Voici, ce 14 février, « Débuts professionnels », puis « Molière acteur », etc. L’universitaire savant est également un homme de théâtre, metteur en scène, et naturellement excellent orateur. Il fait vivre son Molière. Il parvient à donner du suspense à ce que l’on connaît un peu… (le lundi, jusqu’au 21 mars à 19 heures, Poche-Montparnasse, theatredepoche-montparnasse.com).
* Demeurez donc au Poche, la très bonne adresse de la famille Tesson, pour découvrir une version brève et puissante d’une pièce féroce de Thomas Bernhard, « le Faiseur de théâtre » (du mardi au dimanche.). Chantal de la Coste a très intelligemment taillé le texte, confié le personnage de l’épouse et de la fille à la seule Séverine Vincent, allégé les longs développements. Au centre est le père, Bruscon, auteur dramatique et comédien, le faiseur de théâtre qu’incarne le magnétique Hervé Briaux. Ajoutons l’aubergiste, Patrice Dozier, et le fils, Quentin Kelberine. C’est vif, grave, grinçant, souvent drôle. Un travail d’excellence. Et, dans la même salle, Hervé Briaux poursuit son parcours avec Montaigne, à ne pas rater (theatredepoche-montparnasse.com).
* Du côté des seuls en scène, retrouvez le bouleversant Jean-Quentin Châtelain au Studio Marie-Bell, la petite salle du Théâtre du Gymnase, avec « Premier amour », de Samuel Beckett, dans une mise en scène sobre et puissante de Jean-Michel Meyer. Un texte composé après la guerre, en un français magistral, publié tardivement. Un moment impressionnant, reprise d’un travail de 1999, encore creusé. Mettez-vous au plus près de la scène, pour ne rien perdre du jeu, de la parole (jusqu’au 27 février, Gymnase, theatredugymnase.paris).
* Enfin, pour sourire, être ému, rire, Valérie Lemercier, Isabelle Gélinas, Patrick Catalifo sont réunis dans « les Sœurs Bienaimé » de Brigitte Buc, qui signe la mise en scène avec Gersende Michel. Trois grands talents de jeu, trois fortes personnalités, mais une pièce très faible, très convenue. Ne boudons pas le plaisir du public qui fait un triomphe à la réalisatrice et interprète d’« Aline » et à ses camarades (Théâtre Antoine, theatre-antoine.com). Et n’oubliez pas la prise de rôle d’Antoine Duléry dans « Par le bout du nez » de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, face à un grandiose François Berléand, au Théâtre Libre (le-theatrelibre.fr). Non plus que « Qui est Monsieur Schmitt ? » de Sébastien Thiéry. Réunis à Edouard VII, Valérie Bonneton et Stéphane de Groodt sont précipités dans un monde angoissant et absurde, qui fait beaucoup rire les spectateurs fans de ces interprètes maîtres dans l’art de l’exagération (theatreedouard7.com).
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