Médecin de formation, Laurent Seksik est devenu écrivain par vocation. Après avoir disséqué la vie de divers personnages (« les Derniers Jours de Stefan Zweig », « le Cas Eduard Einstein », « Romain Gary s’en va-t-en guerre »), il bascule dans l’autofiction pour se souvenir de son père, disparu il y a un an. « Un fils obéissant » (1), son neuvième roman, est un livre de deuil à la fois sombre et lumineux, dans lequel il remonte le temps afin de partager des instants de vie qui l’ont construit. On comprend mieux comment ce père aimant et aimé, à la personnalité aussi écrasante que stimulante, l’a conduit sur le chemin de l’écriture tandis que sa mère l’orientait vers la médecine. Entre présent et passé, anecdotes et légendes familiales, Laurent Seksik (se) raconte avec bonheur et émotion et rend hommage à celui qui se prénommait Lucien.
Né en 1952, Guy Boley s’est essayé à une vingtaine de métiers plus ou moins « petits », avant de s'imposer dans la création de spectacles. Puis il a pris la plume et « Fils du feu » a remporté sept prix. Son deuxième roman, « Quand Dieu boxait en amateur » (2), est de la même eau, ou plutôt de la même incandescence de style et d’atmosphère. En se servant des carnets retrouvés après sa mort, le narrateur rend hommage à son père, qui a martelé le fer depuis ses 14 ans et qui, sans quitter sa forge, est devenu champion de France de boxe amateur tout en montant dans sa cuisine des petites pièces pour le plaisir des voisins.
S'affranchir du passé
C’est en Aveyron, où il a grandi, que Manu Causse (« la 2 CV verte ») situe « Oublier mon père » (3), un roman qui parle de la nécessité de s’affranchir du passé pour se construire. Un passé représenté pour Alexandre par une mère autoritaire et violente, qui, après avoir empêché toute connivence entre le fils et le père, a tout fait pour qu’il l’oublie dès sa disparition, lorsqu’il avait 8 ans. Sujet à des troubles mentaux et physiques, l’enfant grandit difficilement et commence une vie d’adulte aussi chaotique que son enfance. Jusqu’à ce qu'il découvre que son père a vécu plus de trente ans en Suède. C’est donc là-bas et au-delà de la mort, qu’Alexandre renoue avec son père et commence enfin à vivre.
Issu du théâtre, Marc Citti signe un premier roman centré sur les – difficiles – rapports père-fils, avec la musique en arrière-plan. Dans « Sergent Papa » (4), le père a quitté la maison lorsque son fils n’était qu’un bambin. À l’orée de la cinquantaine, il est un comédien de seconde zone alors que le jeune homme parade en haut de l’affiche rock. Puis, lorsque la maladie s’en mêle et incite le père à arrêter l’alcool, le fils, grisé par le succès, tombe dans le piège de la drogue. Ne sont-ils que deux trajectoires faites pour ne jamais se rencontrer ?
La quête identitaire est un thème récurrent de l’œuvre d’Éric Fottorino. Journaliste attaché au « Monde » pendant 25 ans (« Mon tour du Monde ») et passionné de cyclisme (« la France vue du Tour »), il a consacré plusieurs romans à ses deux pères, celui qui l’a élevé avec amour (« l’Homme qui m’aimait tout bas ») et celui qui l’a conçu (« le Marcheur de Fès »). Dans « Dix-sept ans » (5), il se rapproche de sa mère, non pour boucler la boucle mais parce que la vieille femme révèle à ses trois fils qu'elle avait mis au monde une petite fille que sa propre mère s’est arrangée pour lui enlever aussitôt. Elle avait 17 ans, lui 3 ans à peine, et son père « juif de Fès » venait de les quitter. L'abandon comme une malédiction. Cet ultime (?) secret de famille dévoilé, le narrateur part à Nice sur les pas de cette Lina jeune fille et inconnue, de cette mère qu’il n’avait jamais cherché à connaître vraiment et, à travers elle, de lui-même et de son propre secret, son mal de mère.
Surmonter la douleur
Professeur de philosophie à l’université Paris Descartes et auteure de nombreux essais et de livres plus personnels (« Légère comme un papillon »), où elle évoque son anorexie), Michela Marzano s’est tournée vers le roman pour cerner le drame de la mort d’un enfant. Dans « l’Amour qui me reste » (6), Daria se délite lorsqu’elle apprend que sa fille s’est suicidée, à 25 ans. Pour comprendre son geste, elle remonte le temps, depuis son irrépressible désir d’enfant et l’adoption de Giada. Chaque chapitre du passé alterne avec le douloureux présent et les efforts de son entourage pour lui redonner goût à la vie et la délester de sa culpabilité. Le roman d’une résilience et une nouvelle ode à l’amour.
À chacun sa façon de surmonter sa douleur. Ne voulant ni faire son deuil ni céder à la désolation après le suicide de son frère, la journaliste (à « Elle ») Olivia de Lamberterie a choisi d’écrire, de se souvenir. « Je désirais inventer une nouvelle manière d’être triste », dit-elle. « Avec toutes mes sympathies » (7) est un récit doux-amer, entre rires et larmes mais loin de la mélancolie qui a vaincu Alex.
Avec l’Américain Joseph Kanon – qui s’est fait connaître avec « l’Ami allemand », adapté au cinéma avec George Clooney et Cate Blanchett –, on est en pleine action. « Moscou 61 » (8) repose sur la confrontation de deux frères aux destins contraires : Frank, ex-espoir de la toute jeune CIA et, démasqué comme espion communiste, réfugié à Moscou depuis 1949, a demandé à son frère Simon d’être l’éditeur de ses mémoires. Leurs retrouvailles après douze ans de séparation sont aussi enthousiastes qu’ambiguës : l’amour fraternel est-il suffisant pour transcender la différence idéologique ? Lequel des deux frères va trahir l’autre ?
(1) Flammarion, 249 p., 19 €
(2) Grasset, 176 p., 17 €
(3) Denoël, 297 p., 20 €
(4) Calmann-Lévy, 154 p., 16 €
(5) Gallimard, 263 p., 20,50 €
(6) Grasset, 292 p., 19 €
(7) Stock, 254 p., 18,50 €
(8) Seuil, 375 p., 22 €
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