« Le professeur Marcel Proust »

Des prescriptions à suivre

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Publié le 05/12/2016
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EM-Proust

EM-Proust

Le diagnostic sur l’auteur de « la Recherche », asthmatique-allergique, malade intermittent et convalescent permanent, n’est pas discuté. Et il est déjà posé par la fine fleur de la faculté de l’époque, des Diafoirus qui sont non seulement des nuls dans l’essentiel de leur métier, scientifiquement proches de zéro, mais des êtres inhumains et nocifs. C’est le Pr François-Bernard Michel qui le rappelle dans son nouveau livre, « Le Professeur Marcel Proust »* dressant une ravageuse galerie de portraits de médecins, en tête desquels le Pr Adrien Proust, père de son fils, sommité hygiéniste de l’époque, qui décrétera que l’asthme de Marcel est une névrose, une « maladie où règne l’imaginaire ».

Mais là où le livre de François-Bernard Michel laisse sur place toutes les publications et colloques sur le thème rebattu « Proust et la médecine », c’est quand il fait du génial malade un professeur de médecine. « Vous avez bien lu ! », martèle l’auteur, fondateur de l’unité INSERM Immunopathologie de l’asthme, ex-PU-PH de pneumologie. Bien sûr, Proust avait déjà revendiqué pour lui-même le titre de docteur. « Quand on est fils de médecin, on finit par le devenir soi-même, à force de ne vivre que de cela », avait-il confié à sa gouvernante Céleste. Et sans doute, « au fil des ans, l’asthmatique Proust avait-il acquis un savoir médical issu de son privilège familial », confirme le Pr Michel.

Neurophysiologue et asthmologue

Bien sûr, Proust « scrute l’inconscient avec son télescope psychique ». Mais sa démarche de « bibliothérapie » ne se limite pas à une descente dans les obscurités intimes, elle explore aussi le versant organique des symptômes et de leurs traitements ; elle démêle les liens et la consanguinité de l’esprit et du corps, réunissant deux fondamentaux, celui de la psychologie humaniste et celui d’un savoir médical qui parfois confine au coup de génie : dans l’épisode légendaire de la madeleine, Proust a l’intuition que confirmera plusieurs décennies plus tard la neurophysiologie moderne, il décrit le fonctionnement des connexions cérébrales de la mémoire émotionnelle, qui font passer du physique au psychique, de la sensation au passé reconstitué par la mémoire involontaire.

Proust, un neuroscientifique ? François-Bernard Michel ne va pas jusqu’à l’affirmer, mais il n’hésite pas à faire de lui son « professeur d’asthmologie » : « Il m’a fait découvrir que l’asthme, c’est une parole de souffrance venue du fond du thorax du patient, une souffrance mystérieuse répétée en crises successives tant qu’elle n’est pas élucidée. » Cette souffrance, le praticien la recherche dans la part inconnue et insaisissable de son patient. « Examinez, scannérisez, testez, ordonnancez vos patients, exhorte le Pr Michel, mais n’omettez pas de leur prescrire aussi la lecture de Proust, ils s’en trouveront bien mieux ! » Et leurs médecins avec eux !

Gallimard, 284 p., 23 €

Christian Delahaye

Source : Le Quotidien du médecin: 9540