Depuis « Son frère » (2001), Philippe Besson nous a fait croire le temps d'une lecture à seize histoires qu'il a créées de toutes pièces. Sauf que les frontières entre le réel et l'imaginaire sont floues. Le doute, volontairement distillé, est encore plus fort dans « Arrête avec tes mensonges » (1), qui, à travers une belle histoire d'amour entre deux adolescents, illustre la difficulté, dans certains contextes sociaux ou familiaux, de dire la vérité.
Dédié « à la mémoire de Thomas Andrieu (1966-2016) », le roman commence en 2007 quand le narrateur, un écrivain, croit reconnaître dans le hall d'un hôtel un certain Thomas. Le récit revient aussitôt en 1984, avec deux garçons de 17 ans en terminale dans un lycée en Charente : Philippe, fils d'instituteur, est en C, et Thomas, fils d'agriculteur, en D. Tout les sépare et pourtant ils se reconnaissent et cèdent à leur attirance. Pas longtemps, puisque, le diplôme obtenu, chacun ira de son côté, sans donner de nouvelles. Lorsque Philippe, vingt-trois ans après, se lance à la poursuite de Thomas, c'est son fils qu'il rencontre. Pour rien, puisque Thomas choisit alors de disparaître, encore une fois. Car toute sa vie, incapable de dire la vérité, il n'a cessé de lutter contre sa nature et de la dissimuler aux autres.
Avec Charles Nemes (auteur de « Je hais mon chien » et « Pourquoi les coiffeurs ? », réalisateur, scénariste), on traverse la France des années 1960 à aujourd'hui. Ses « Deux enfants du demi-siècle » (2) ont 15 ans, en 1967, lorsqu'ils tombent amoureux et font l'amour, une unique fois car leurs familles n'admettent pas qu'un fils de la bourgeoisie catholique et une fille de rabbin puissent s'aimer. Les hasards de la vie les feront se retrouver quarante ans plus tard ; sauront-ils se reconnaître, lui, divorcé et plus près de ses livres que de ses enfants, et elle, qui élève seule son fils, loin de sa famille ? Le propos de l'auteur est de montrer à la fois quelle marque une passion inaccomplie peut laisser en nous et comment le temps et les aléas de la vie nous façonnent et pèsent sur nos décisions.
Premier amour
Né à Saïgon, d'une mère vietnamienne et d'un père anglais, Sean Rose vit à Paris, où il est journaliste littéraire et critique d'art. Son deuxième roman, « le Meilleur des amis » (3), est centré sur un rendez-vous d'amitié que le narrateur espère honorer, même avec vingt ans de retard. Une amitié qu'il avait trahie, lorsqu'ils étaient étudiants, en séduisant Camille, la promise de Thibaut depuis plusieurs années, une Bordelaise comme lui. Il avait alors décidé de partir, de retourner en Asie du sud-est d'où sa mère était originaire. En attendant Thibaut au milieu des vignes du domaine familial, le solitaire exilé se demande ce qui aurait été perdu, ce qui aurait été sauvé, s'il avait pris une autre décision. Sachant que toute existence ne commence réellement qu'à partir du premier amour.
Auteur de cinq romans et de plusieurs essais, metteur en scène et cinéaste, Eugène Green donne, avec « les Voix de la nuit » (4), un roman plein de mystères, où des éléments de polar se mêlent à une histoire de fantômes. Avec en toile de fond le Pays basque en tant que microcosme de l'Europe. L'histoire est celle d'une amitié entre deux jeunes gens, Patxi et Matxi, qui se retrouvent après des années de silence et qui, à la demande de Matxi, retournent dans sa maison de famille, le lieu de leurs jeux d'enfants. Ils y seront confrontés à d'étranges événements et à l'apparition de personnages fantomatiques. Un appel « pour se libérer de trois siècles de rationalisme et pour chercher, dans le mystère du présent, un renouveau spirituel ».
« Aller en paix » (5) est le premier roman de Ludovic Robin, 39 ans, qui, après des études de philosophie, travaille à l'entretien des rives du canal de Nantes à Brest. Un beau et triste roman dans lequel le narrateur se souvient de ce jour d'avril où sa compagne, qui était enceinte de leur troisième enfant, est partie pour ne plus jamais revenir. Ils habitaient dans un hameau isolé de Savoie, en bordure de la forêt où il travaillait comme élagueur et où Lily faisait de longues promenades, une autre façon, comme ses cachets de Nembutal, d'affronter le quotidien. Vingt-cinq ans ont passé et l'homme porte toujours le même regard sur cette jeune femme insaisissable à laquelle il voue un amour infini, sans colère ni rancune.
Revenir dans le pays où on est né et où on a vécu jusqu'à l'âge de 6 ans, c'est retourner vers son enfance. Mais le propos de « Marx et la poupée » (6) va bien au-delà d'un retour vers le passé, puisqu'il est question de l'Iran et de la révolution, de l'exil et de l'intégration. L'auteure du livre, Maryam Madjidi, est née à Téhéran en 1980 et est partie à 6 ans à Paris puis à Drancy, où elle enseigne le français à des mineurs étrangers isolés. Maryam, l'héroïne du roman, témoigne depuis le ventre de sa mère des premières heures de la révolution iranienne, de la répression de la dictature de Khomeyni, puis de l'exil et de l'abandon de sa famille, de la minuscule pièce partagée avec ses parents, des difficultés de s'intégrer, de son tiraillement entre deux cultures et deux langues. Lorsqu'elle finira par retourner en Iran, à 30 ans passés, le chauffeur de taxi lui récitera une poésie. Ce livre est écrit comme une ode à la vie.
(1) Julliard, 194 p., 18 €
(2) HC Éditions, 205 p., 19 €
(3) Actes Sud, 150 p., 16,90 €
(4) Robert Laffont, 203 p., 18 €
(5) Rouergue, 345 p., 21,80 €
(6) Le Nouvel Attila, 202 p., 18 €.
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