CLASSIQUE - Mozart à l’Opéra de Paris

Deux pointures

Publié le 04/07/2011
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Crédit photo : A. POUPENEY/OPÉRA DE PARIS

NOUS AVIONS TOUJOURS été très réticents à revoir ces « Noces de Figaro » dans la légendaire production, d’un classicisme poussé jusqu’aux moindres raffinements, réalisée en 1973 par le génial metteur en scène milanais Giorgio Strehler et son décorateur attitré Ezio Frigerio pour inaugurer la fastueuse ère Rolf Libermann. Solti officiait à la baguette et les distributions comprenaient des voix aujourd’hui retraitées ou disparues (Bacquier, Berganza, M. Price, Freni, Popp, Lorengar, Van Dam, Stratas, Janowitz, etc.). En 1990, quand cette production fut agrandie pour la salle Bastille, Strehler refusa que son nom figure au générique. Elle finit par passer au rebut et un des premiers actes d’autorité du directorat de Nicolas Joel fut qu’on la reconstruise à l’identique. Disparu entre-temps, Strehler fut remplacé par son assistant Humbert Camerlo.

Une première série, en octobre dernier, n’avait pas convaincu. La reprise qui s’achève a été une sorte de miracle. Une partie de l’esprit de Strehler est revenue, palpable même dans ses clairs-obscurs, ses élégances, tandis que ce qui a disparu ne prétend pas à être restitué. Et une distribution surtout a permis d’approcher quelques-uns des grands soirs de l’époque : une Comtesse d’une justesse de ton et de grande classe vocale (Dorothea Röschmann), un Chérubin très crédible et frémissant (Isabel Leonard), une Susanna pleine de charme (Julia Kleter) et un Figaro bouillonnant (le très séduisant Erwin Schrott, qui, malheureusement, prend un peu trop de liberté avec le style mozartien dans les récitatifs mais campe un personnage inoubliable). Un jeune chef israélien s’est emparé de la fosse, Dan Ettinger, donnant à cette folle journée théâtrale un rythme, des respirations et des sonorités proprement inouïes.

À Garnier, c’est une production de « Cosi fan tutte » ayant servi dans les premières années du siècle qui est reprise, elle aussi très classique mais un grand cran au-dessous dans la réalisation. À la mise en scène on ne peut reprocher que d’être prise au pied de la lettre et une vraie méconnaissance du potentiel individuel des acteurs. Ezio Toffolutti est-il vraiment responsable de cette reprise ? La distribution affiche quelques noms nouveaux à Paris (la Sud-africaine Elza van den Heever, Fiordiligi de belle stature), des chanteuses françaises (Karine Deshayes et Anne-Catherine Gillet). Mais, sans vouloir faire de parisianisme, l’ensemble est seulement correct et ne situe pas au niveau des prétentions tarifaires de l’Opéra de Paris. Dans la fosse, Philippe Jordan officie après sa brillante « Tétralogie » de Wagner. Irréprochable pour le style, la précision, la recherche des alliances de timbres, sa direction manque du pétillant nécessaire dans ce théâtre là.

Guettez donc la prochaine reprise des « Noces de Figaro », elles valent vraiment le déplacement.

Opéra de Paris (tél. 08.92.89.90.90 et www.operadeparis.fr), prochaines représentations de « Cosi fan tutte » les 2, 4, 7, 10 (matinée à 14 heures), 13 et 16 juillet à 19 h 30.

OLIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8993