Les films de la quinzaine

Histoires de résiliences

Par
Publié le 02/03/2023
Dans l'Amérique des années 1950-1960, un jeune juif qui filme sa famille apparemment unie. En France aujourd'hui, une fille enceinte à 16 ans, placée contre son gré dans un centre maternel. En Amérique, mais ce pourrait être ailleurs, un père confronté à l'incompréhensible souffrance de son fils. Et dans la France des affaires politico-financières, une lanceuse d'alerte à l'incroyable histoire.
« The Fabelmans »

« The Fabelmans »
Crédit photo : STORY TELLERS DISTRIBUTION CO., LLC

« Petites »

« Petites »
Crédit photo : HAUT ET COURT

« La Syndicaliste »

« La Syndicaliste »
Crédit photo : G. FERRANDIS/LE BUREAU FILMS

« The Son »

« The Son »
Crédit photo : R. GARTHON/SEE-SAW FILMS LIMITED

*« The Fabelmans », de Steven Spielberg

S'il a touché avec brio à bien des genres, aventure, espionnage, récits historiques, science-fiction…, Steven Spielberg n'a pas besoin d'une histoire extraordinaire pour signer un grand film. « The Fabelmans », écrit avec Tony Kushner (auteur de « Angels in America », coscénariste de « Munich », « Lincoln » et « West Side Story »), s'inspire directement et simplement de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence. Et nous emmène, avec une famille juive emblématique des années 1950-1960, aux racines de l'art et de la création, en même temps que dans la complexité banale d'un couple. Nous voici en 1952, quand un garçon de 6 ans va voir « Sous le plus grand chapiteau du monde », le film à grand spectacle de Cecil B. DeMille. Le père est un concepteur d'ordinateurs visionnaire, la mère une musicienne passionnée. La famille déménage deux fois (du New Jersey en Arizona puis en Californie), avec le meilleur ami. Ce n'est pas facile, tandis que le garçon découvre le pouvoir des images, l'impact qu'elles peuvent avoir. C'est passionnant. Gabriel LaBelle est Spielberg adolescent, bien entouré par Michelle Williams, Paul Dano, Seth Rogen, Judd Hirsch, sans oublier une forte apparition de David Lynch.

* « Petites », de Julie Lerat-Gersand

Comédienne de théâtre, cofondatrice de La Piccola Familia avec Thomas Jolly, Julie Lerat-Gersand a mené des ateliers d'écriture dans des centres maternels et observé ce « mélange désarmant d'adolescence insouciante et de responsabilité parentale ». Cela lui a inspiré son premier film, qu'elle a voulu au plus près du réel. Voici Camille (Pili Groyne), 16 ans, enceinte, qui nie sa situation, peu aidée par une mère aimante mais toxique et donc envoyée dans un centre maternel. Tout y est très difficile, même pour l'expérimentée éducatrice qui la prend en charge (Romane Bohringer, pour qui le rôle a été écrit), désabusée par le manque de moyens. C'est filmé au centre de la tourmente, avec des cris, des désespoirs, mais aussi des rires et des joies quasi enfantines. Prenant.

* « The Son », de Florian Zeller (le 1er mars)

Avec « The Son », son deuxième film, après « The Father », également adapté (avec Christopher Hampton) de l'une de ses pièces de théâtre, Florian Zeller a voulu explorer « l'énigme de la souffrance psychique ». Avec un sujet, la dépression adolescente, d'autant plus important que, « depuis la pandémie, il y a comme une épidémie de fragilité psychique chez les plus jeunes » et que, « en France, seulement un tiers des personnes qui souffrent psychiquement sont accompagnées ». Pour inviter « à regarder la situation frontalement », le dramaturge cinéaste imagine un père divorcé, à nouveau en couple et avec un bébé, confronté à son fils de 17 ans en crise. Il se pense coupable, et en voulant réparer, va prendre de mauvaises décisions. L'origine théâtrale de l'histoire se sent davantage qu'avec « the Father », avec une dramatisation par moments un peu pesante, qu'imposait sans doute le sujet. Mais Hugh Jackman, qui a sollicité le rôle, fait parfaitement partager les interrogations, les angoisses, la culpabilité de ce père qui ne sait comment aider son fils. Tandis que le jeune Zen McGrath joue bien des humeurs changeantes, jusqu'au désespoir total, de l'adolescence. Qu'on ait ou non été confronté à ce type de problèmes, on comprend mieux les ressorts de cette souffrance et de celle d'un parent culpabilisé et impuissant.
 

« La Syndicaliste », de Jean-Paul Salomé (le 1er mars)

Le réalisateur de « la Daronne » signe un thriller politico-économique qui paraîtrait invraisemblable si on ne le savait inspiré de faits réels, comme c'est de plus en plus souvent le cas dans le cinéma contemporain – pour le meilleur, comme ici, ou pour le moins bon… En l'occurrence, d'après le livre du même titre publié en 2019 par la journaliste Caroline Michel-Aguirre, de l'histoire de Maureen Kearney, déléguée CFDT chez Areva, lanceuse d'alerte en 2012, pour son malheur. On n'en dira pas plus pour ne pas gâcher le plaisir du suspense, pour ceux qui n'auraient pas suivi cet imbroglio auquel sont mêlés notamment les dirigeants d'Areva et d'EDF et des politiques hauts placés. La véracité psychologique du récit étant renforcée par une dimension intime un peu plus inventée. Jean-Paul Salomé retrouve Isabelle Huppert, avec laquelle il s'était très bien entendu pour « la Daronne ». Faut-il préciser que l'actrice est à son affaire et particulièrement convaincante ? Grégory Gadebois, le fidèle mari, Marina Foïs, Yvan Attal, Pierre Deladonchamps, Pierre-Xavier Demaison lui donnent la réplique.

Renée Carton
En complément

Source : Le Quotidien du médecin