Les romans de l'été (5)

Humour et récits décalés

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Publié le 11/07/2016
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2016-07-11-A résidence

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2016-07-11-Philothérapie

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2016-07-11-Rester groupés

2016-07-11-Rester groupés

2016-07-11-Pendaison à Cinder Bottom

2016-07-11-Pendaison à Cinder Bottom

2016-07-11-Le bigorneau fait la roue

2016-07-11-Le bigorneau fait la roue

2016-07-11-Scoop

2016-07-11-Scoop

Pour Éliette Abécassis, normalienne et agrégée de philosophie, la philosophie a toujours sa place à l'ère du virtuel. Elle le prouve avec « Philothérapie » (1). Une trentenaire malade de l'amour décide, après une énième rupture difficile, de prendre des cours de philo pour s'en guérir ; sur Internet, parce qu'elle voyage beaucoup. C'est donc par l'intermédiaire de Skype qu'elle écoute les leçons d'un mystérieux professeur 2.0, lequel convoque les grands penseurs pour traiter des différentes facettes de l'amour. Sur un sujet éternel, le roman mêle des réflexions philosophiques solides au quotidien d'une héroïne très actuelle.

D'origine bretonne, Hervé Pouzoullic a fait Science Po Paris et a beaucoup voyagé pour son travail. Son premier roman, « le Bigorneau fait la roue » (2), a pour héros un jeune Breton plus rêveur que travailleur et surtout désireux de trouver enfin le grand amour . De retour chez ses parents après avoir échoué à Sciences Po, il apprend de la sagesse familiale que ce qui fait durer les couples, c'est l'incompréhension mutuelle. D'où son projet de chercher l'âme sœur ailleurs, en Italie d'abord, puis aux États-Unis et en Russie. Un roman sympathique autour d'une méthode à méditer.

Après avoir dénoncé les contradictions de la société française, qui appelle chacun à prendre des risques tout en le poussant à n'en rien faire (« Du trapèze au-dessus des piranhas »), Yves Bourdillon reprend les mêmes personnages et le même humour grinçant pour fustiger, dans « Souriez, vous êtes ruiné » (3), notre banqueroute sociale. Persuadé que l’État providence est une aberration, Frédéric Beaumont continue de soutenir dans des articles percutants le mouvement des Indignés pour le journal qui le paye, tout en faisant des piges tout aussi virulentes pour un autre journal qui défend la ligne libérale. Un grand écart avec des déclarations et situations aussi drôles que désabusées.

« À résidence » (4) est un roman de pur divertissement mené à train d'enfer, dans lequel Cathy Hamer s'applique à étudier à la loupe les mœurs du milieu diplomatique. Après que son ambassadeur de mari a été rayé des cadres pour cause de malversations, Camélia se reconvertit comme cuisinière à l'ambassade du Birstein à Paris. Une sinécure qui lui sied à merveille mais qui la met en première ligne lorsqu'un groupe armé transforme les convives en otages. De multiples rebondissements rocambolesques permettent à l'auteure de croquer tout ce beau monde sans avoir peur d'accentuer les traits.

Comédies policières

Journaliste à « Voici » depuis plus de quinze ans, Yann Le Poulichet a bien sûr choisi de planter le décor de son premier polar dans un magazine people. Le prétexte de « #Scoop » (5) est le meurtre du chef des infos du magazine, retrouvé égorgé dans les toilettes de la rédaction. L'intrigue s'articule autour de l'enquête d'un journaliste et d'une femme flic et, surtout, décrit les dessous de cette presse à scandales. Un polar décalé, écrit comme on parle, et avec des échanges de tweets au début des chapitres.

On ne quitte pas le journalisme ni la police avec le deuxième opus de Sophie Hénaff, la responsable de la rubrique humoristique « La Cosmoliste » à « Cosmopolitan », qui s'était fait remarquer avec son drôle de polar « Poulets grillés », plusieurs fois primé. On retrouve dans « Rester groupés » (6) l'équipe de bras cassés dirigée par l'anti-héroïne Anne Capestan, plus Saint-Lô, sorti de l'hôpital psychiatrique dans la peau de d'Artagnan, et Ratafia, rat policier. Ils ont du pain sur la planche : trois assassinats à résoudre, dont celui de l'ex beau-père de Capestan. Une comédie policière qui conjugue une intrigue solide à des personnages insolites.

Autre comédie policière, cette fois à la sauce belge, « Elvis Cadillac » (7), la nouvelle invention délirante de l'auteure de polars belgo-montmartroise Nadine Monfils, jamais en panne de personnages improbables. On embarque avec le King From Charleroi, le plus minable des sosies du grand chanteur, avec sa banane et sa bedaine proéminentes, dans une Cadillac rose chamallow, pour animer l'anniversaire d'une vieille dame autrefois éprise de l'idole. Les catastrophes s'enchaînent, dans un récit décalé où le mauvais goût le dispute aux mauvais coups, le tout parsemé d'expressions belges triées sur le volet.

Avec l'Américain Glenn Taylor, auteur de l'ineffable « Ballade de gueule-tranchée », et son truculent « Pendaison à Cinder Bottom » (8), on entre à nouveau dans la démesure et le picaresque. Sur le point d'être pendu, en même temps que sa maîtresse Goldie, la tenancière de la maison close la plus réputée de Virginie-Occidentale, le roi du poker Abe Baach crie son innocence. Remontant le temps de 1910 à 1877, il déroule la saga familiale des Baach en une suite d'aventures, complots, parties de cartes, arnaques et chevauchées fantastiques et rebondissements étonnants, sans donner au lecteur le temps de respirer. Une vision du Far West dans laquelle les traits d'humour sont intelligents et les personnages attachants.

 

 

 

 

(1) Flammarion, 311 p., 19,90 €
(2) Anne Carrière, 229 p., 18 €
(3) Le Rocher, 510 p., 19,90 €
(4) Robert Laffont, 308 p., 20 €
(5) Le Masque, 284 p., 19 €
(6) Albin Michel, 330 p., 18,50 €
(7) Fleuve, 238 p., 17,90 €
(8) Grasset, 376 p., 22 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9512