Prise en charge de l'obésité du sujet âgé

La perte de poids doit être justifiée et bien contrôlée

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Publié le 07/05/2018
obese agee

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Crédit photo : PHANIE

Le professeur Yves Boirie, chef du service de nutrition clinique du CHU Gabriel Montpied à Clermont-Ferrand, tient à le rappeler : « La prise de poids au cours du vieillissement est une notion commune qui n’a rien de pathologique. C’est pour cette raison qu’on ne parle plus de surpoids pour la population gériatrique dont on considère que l’IMC optimal se situe entre 27 et 30, selon les études ».

De fait, la prévalence de l’obésité augmente avec l’âge avec un pic à 18-20 % à 55-65 ans, puis diminue ensuite. L’étude Obepi 2012 rapporte un taux d’obésité de 18,7 % dans la population âgée de 65 ans et plus (vs 15 % en population générale).

Ce que le Pr Boirie qualifie de « phénomène nouveau dans l’histoire de la médecine » pose également de nouveaux problèmes aux praticiens confrontés au vieillissement multipathologique. La personne âgée obèse cumule ainsi les risques associés au vieillissement (déficit cognitif, trouble de la mobilité, sarcopénie, pertes sensorielles…) avec ceux liés à sa prise de poids excessive (hypertension artérielle, coronaropathies, problèmes métaboliques, dyslipidémie, dépression, stéatohépatite non-alcoolique…), dont le premier, le diabète de type 2, affiche une prévalence qui culmine à plus de 20 % chez les plus de 70 ans.

Obésité sarcopénique

À la question de savoir quelle conduite tenir devant un patient âgé qui présente une obésité, le Pr Boirie répond qu’il est avant tout fondamental de « bien phénotyper les patients pour savoir à quel type d’obésité on a à faire », car la seule mesure de l’indice de masse corporelle (IMC) « ne reflète pas la composition corporelle et un patient obèse peut se dénutrir sans que l’on s’en aperçoive ». Bien qu’il existe un « paradoxe de l’obésité » chez les personnes âgées qui se caractérise entre autres par une ostéoporose diminuée, le fait qu’une dénutrition puisse être masquée par un IMC élevé oblige à considérer cette éventualité.

Dans ce contexte, la nouvelle entité clinique d’« obésité sarcopénique » caractérisée par un excès de masse grasse associé à une réduction de la masse maigre musculaire est très intéressante. La mesure de la masse et de la fonction musculaire chez le sujet obèse, « bien que compliquée à réaliser », peut en effet « aider à dépister la dénutrition chez ces sujets obèses », affirme le Pr Boirie. Il évoque d’ailleurs l’élaboration en cours d’une nouvelle définition de la sarcopénie dont un des objectifs serait de mieux différencier une sarcopénie primaire, liée à l’âge, d’une sarcopénie secondaire, liée à la nutrition, l’inactivité ou la maladie chronique.

Augmenter l’activité physique

S’il existe pour le moment peu de données sur l’attitude thérapeutique à adopter avec une personne âgée obèse, le Pr Boirie plaide pour « la mise en place d’une diminution de poids associée à une attention particulière à la préservation de la masse maigre, notamment musculaire ». Selon lui, « bien qu’il n’existe pas encore de consensus sur la question, il semble prudent de s’orienter vers une conservation de la proportion de protéines et une perte énergétique modérée chez le sujet obèse en l’absence de dénutrition, permettant une perte modeste de 4 à 10 kg ». En parallèle, « il est fondamental d’augmenter l’activité physique de résistance et d’endurance pour diminuer la masse grasse et d’y associer des aliments facilitateurs de la préservation musculaire comme les apports protéiques », explique le Pr Boirie qui ajoute que « le déficit en vitamine D étant un facteur de freinage du renouvellement de la masse musculaire, une supplémentation est également à envisager pour le muscle ».

Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du médecin: 9663