THEATRE - « Aller chercher demain », de Denise Chalem

L’allégresse du désespoir

Publié le 09/02/2011
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Crédit photo : DR

IL S’AGIT d’une comédie. Légère, allègre et qui fait rire. Mais cette pièce, et c’est sa grande singularité, est aussi grave, profonde et fait pleurer. Denise Chalem, qui l’a écrite, est une femme de théâtre complète : elle est comédienne, auteur, metteur en scène et parfois réalisatrice. Ici, dans un décor à transformations astucieuses de Jean-Michel Adam, on va de l’appartement de Nicole (Denise Chalem) à son lieu de travail, le service de soins palliatifs d’un hôpital où elle est infirmière de nuit. Nicole vit avec son père. Veuf bougon d’origine polonaise, il avait rêvé d’être violoniste mais a usé sa vie, représentant de commerce sur les routes de son pays natal.

Nicole est un caractère étrange. Non que la fréquentation des vieillards au bout d’un chemin l’ait rendue insensible. Elle est aimante, humaine, ultrasensible. Très grande sœur avec sa collègue Patricia (Nanou Garcia). Mais elle se défend de toute sensiblerie, ne veut plus entendre parler de l’amoureux transi qui voudrait l’épouser, Adrien (Philippe Uchan), un commerçant gentil qui distrait le père qui s’ennuie. Elle déteste les fleurs, ne s’accorde pas grand-chose sinon un soir, un concert. Avec son père, Charles (Michel Aumont), elle est rugueuse, mais d’une attention profonde. Ils se chamaillent, partagent de petites bouffées de fantaisie en chantant des vieux airs yiddish ou en se souvenant de comptines. Le fond de la comédie est grave : on parle beaucoup de mort, de passage, de derniers jours, de morphine, de tout ce qui peut adoucir les ultimes moments. Et Charles, un jour, à son tour, est au bout. N’en disons pas plus car il y a du réalisme et du fantastique dans cette pièce brève et très originale.

Tout ici est question de rythme, de jeu et Didier Long s’y entend. Le metteur en scène réussit parfaitement à nous faire comprendre la monotonie des vies et leur caractère unique et précieux. Les comédiens sont formidables, Nanou Garcia touchante, Philippe Uchan sympa et paumé. Denise Chalem, belle, séduisante, bouleversante est parfaite. Quant à Michel Aumont, il est stupéfiant de finesse, de vérité. Un soupir, une manière de traîner la savate, de parler, une voussure, un regard, un rire étouffé, un dialogue avec l’oiseau, son compagnon de solitude…. Son interprétation est magnifique.

Il faut voir « Aller chercher demain », qui reprend la formule de ceux qui espèrent, jour après jour On rit, on réfléchit, on est ému, on pleure, on rit encore.

Petit Théâtre de Paris (tél. 01.48.74.25.37), à 21 heures du mardi au samedi, en matinée le samedi à 18 h 30, le dimanche à 15 heures. Durée : 1 h 40 sans entracte. Texte publié par « l’Avant-scène Théâtre » (12 euros).

ARMELLE HELIO.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8903