Dr Olivier Phan

« Le jeu vidéo est devenu le premier motif de consultation »

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Publié le 05/02/2018
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LE QUOTIDIEN : Le jeu vidéo figure en première place dans la liste des produits traités dans votre livre, avec l'alcool et le cannabis, pourquoi ce choix ?

Dr OLIVIER PHAN : Dans nos consultations jeunes consommateurs de la clinique Dupré et de la Croix-Rouge, le jeu vidéo est devenu le premier motif de consultation : près de 200 jeunes viennent chaque année avec pour principale raison une consommation problématique de jeux vidéo.

Dans ce livre, nous souhaitons nous adresser aux parents car avec nos patients âgés de 11 à 19 ans, il n'est pas possible d'obtenir des avancées thérapeutiques si nous ne parvenons pas à agir de manière concomitante avec leurs parents. Pour ce faire, ils doivent connaître le jeu vidéo, pour notamment faire la distinction entre un usage normal (après tout le jeu vidéo est avant tout un jeu) et un usage problématique.

Quelle est la particularité des jeunes ayant des troubles de l'usage de jeux vidéo ?

Il n'y a pas de profil type, ou plutôt il n'y en a plus ! Les problèmes liés à l'usage du jeu vidéo touchent toutes les couches de la société. En revanche, il existe des différences avec les autres types de consommateurs que l'on reçoit. Là où les parents d'un accroc au cannabis vont se plaindre du fait qu'il soit « toujours dehors », ceux d'un consommateur problématique de jeux vidéo vont trouver qu'il ne « sort jamais ».

Un usage problématique des jeux vidéo ne signifie pas juste « jouer beaucoup ». Il est problématique parce qu’il s'accompagne d'un impact sur la vie familiale, sociale et sur l'emploi du temps. Un adolescent qui joue intensément, mais qui n’hypothèque pas son avenir et reçoit ses amis chez lui pour jouer à la console ou se déplace en lan (rassemblement de joueurs sur un week-end N.D.L.R), n'est pas à classer parmi les joueurs problématiques.

L'OMS projette d'intégrer les troubles de l'usage de jeu vidéo à la classification internationale des maladies (CIM) en 2018. Qu'est-ce que cela changerait concrètement pour vous ?

Cela changerait beaucoup de choses au niveau d'une éventuelle prise en charge de ces troubles par l'Assurance-Maladie. Nous pourrions aussi espérer obtenir des financements spécifiques pour établir des protocoles de recherche et des parcours de prise en charge. Pour traiter un problème, et le problème existe bel et bien, il faut le nommer.

Propos recueillis par Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9637