« Stallone » et « Des femmes » 

Leçons de vie au féminin

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Publié le 17/10/2019

« Stallone » par Clotilde Hesme, « Des femmes » par Fernanda Barth : des textes qui frappent, des comédiennes originales très bien accompagnées. Le théâtre peut advenir sans grand déploiement spectaculaire.

Clotilde Hesme (« Stallone »)

Clotilde Hesme (« Stallone »)
Crédit photo : HUMAN ROSENTALSKI

« Stallone » (1). Une toute jeune femme, Lise, reprend ses études de médecine après avoir vu « Rocky III ». Elle a tout laissé tomber après la deuxième année, elle a tout oublié, pense-t-elle. Ce film est un déclic et elle se prend de passion pour le comédien qui incarne le personnage de battant, Sylvester Stallone.

C’est sur un bref récit datant de 2002 de la regrettée Emmanuèle Bernheim que se sont appuyés le cinéaste Fabien Gorgeart et la comédienne Clotilde Hesme pour construire ce spectacle coup de poing. Il répond de la concision du récit de la romancière vaincue par un cancer en mai 2017. On ne peut s’interdire de penser à cette femme rayonnante : elle avait écrit un très beau livre, « Tout s’est bien passé », dans lequel elle dévoilait la fin de son père, qui, après un accident cardio-vasculaire, lui avait demandé de l’aider à mourir… Alain Cavalier, frappé, avait voulu adapter ce livre. C’est alors qu’elle avait appris qu’elle souffrait d’un cancer du poumon : ce fut « Être vivant et le savoir », présenté au dernier festival de Cannes.

Rien de triste pourtant dans « Stallone », au contraire une merveilleuse vitalité, une malice, une énergie. Sur le plateau à fleur de gradins du 104, un espace pour la musique et un micro sur pied. Deux interprètes. À gauche, Pascal Sangla, excellent musicien et partenaire de jeu très attentif, très juste, s’amusant de plusieurs personnages qui interviennent succinctement. La musique accompagne la représentation. Pages écrites et improvisations. Et citation de la chanson culte qui accompagne « Rocky III », « Eye of the Tiger ».

À droite, Clotilde Hesme. Cheveux courts, visage nu, elle raconte. Elle est la voix de Lise. Avec sa force, sa candeur, sa vérité, sa franchise. Il y a beaucoup d’humour dans la manière dont cette interprète aussi vive et mobile qu’intelligente, se saisit de cette histoire. Elle exprime de tout son corps. Elle bouge, elle sautille, elle danse. Rien de risible dans la passion de Lise pour Stallone. Elle se libère, s’émancipe. Elle réussit ses études de médecine, exerce. Une leçon de vie. Mais le dénouement saisit. Un spectacle fin et tonique, très émouvant et sobre, porté par des artistes remarquables.

Portraits

« Des femmes » (2). Remarquable est également Fernanda Barth, qui est passée par le Conservatoire et vient d’une culture qui mêle le Liban et le Brésil. Jeune, brune, visage très expressif évoquant une héroïne à la Garcia Lorca. C’est elle qui a demandé à l’écrivain Régis de Martrin-Donos de composer cette suite de portraits de femmes très différentes. Sur le plateau du Lavoir Moderne Parisien, quelques objets appuient cette traversée qui va du plus archaïque au plus moderne.

On n’est pas certain de reconnaître chaque personnage, peu importe : disons une femme qui évoque la mythologie, une bergère du Moyen Âge prise pour une sorcière, une chanteuse dans sa loge, une adolescente qui admire Dalida. D’autres encore, comme autant d’apparitions. L’interprète est d’une puissance sidérante. La voix est belle, bien placée, Fernanda Barth est tranchante et tendre en même temps. Dirigée par l’auteur, elle déploie tout l’éventail de ses dons sûrs et de sa grâce. Un beau moment, assez unique.

 

 

(1) Le 104, jusqu’au 19 octobre, puis du 22 au 26. À 20 h 30, du mardi au samedi, dimanche à 17 heures. Durée 1 h 15. Tournée : du 6 au 9 novembre à Rennes, le 12 novembre à Tulle, du 13 au 15 mai à Toulon. Tél. 01.53.35.50.00, www.104.fr

(2) Lavoir Moderne Parisien, du 23 octobre au 10 novembre. À 21 heures du mercredi au samedi, 15 heures le dimanche. Durée 1 h 05. Tél. 01.46.06.08.05, www.lavoirmoderneparisien.com

 

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin