Le premier livre publié par Didier Decoin s’appelait « le Procès à l’amour ». Cinquante ans plus tard, après nous avoir fait partager sa vision de l’Amérique (« Abraham de Brooklyn » ou « John l’Enfer », prix Goncourt 1977), l’académicien nous fascine avec un roman japonais qui se situe aux alentours de l’an Mil ! « Le Bureau des Jardins et des Étangs » (1) est un voyage initiatique aussi érudit que sensuel, qui conduit la gracile veuve du pêcheur Katsuro, noyé dans la rivière, jusqu'à la ville impériale d’Heiankyo, la future Kyoto. En mémoire de son époux, plus âgé mais avec qui elle partageait un amour très charnel, la jeune femme ploie sous le poids des nacelles d’osier pour conduire les carpes boueuses jusqu'aux étangs du palais. Sans se douter des maléfices du voyage, des sorcelleries, des guerres, des animaux magiques ni des prêtres faussement débonnaires. Un récit d’aventures multiples, rempli d’odeurs et de couleurs et dont les images titillent l'imagination.
Autre roman d’apprentissage, sensuel mais aussi politique, « Théa » (2), le treizième livre de Mazarine Pingeot, entrelace l'histoire de la guerre d’indépendance algérienne entre 1954 et 1962 et celle de la dictature militaire argentine qui sévit entre 1976 et 1983. Au cœur du roman, le coup de foudre, à Paris en 1982, d’une étudiante en lettres née dans une famille de Pieds-Noirs pour un exilé argentin aperçu de l’autre côté de la piste de danse. La jeune fille n’aura de cesse, au long d’une relation amoureuse à éclipses, de découvrir l'histoire du beau Latino et, au-delà, celle de son pays, une démarche qui va la renvoyer, sans qu’elle s’y attende, à sa propre histoire familiale.
Avec « Danser au bord de l’abîme » (3), un livre sur le désir amoureux, Grégoire Delacourt renoue avec l’écriture au féminin qui lui a bien réussi avec « la Liste de mes envies », traduit dans 35 pays. Emma, 40 ans, mariée et mère de trois enfants, heureuse bien que vaguement frustrée, tombe amoureuse d’un homme au premier regard. Va-t-elle céder au vertige de la passion et tout abandonner ? L’héroïne est confrontée à deux aléas de taille (qu’il serait impardonnable de dévoiler), qui la placent une nouvelle fois à la croisée des choix.
D’un contexte plus paisible et d’un charme irrésistiblement british, « le Gardien des choses perdues » (4), le premier roman de Ruth Hogan, déjà promis à un large succès, est une vaste histoire d’amour et de rédemption. Un homme qui a perdu le même jour sa fiancée et le médaillon qu’elle lui avait confié, consacre le reste de son existence à rassembler des objets trouvés, dans l’espoir de les restituer un jour à leur propriétaire. À sa mort, à un âge avancé, il lègue sa demeure victorienne et les trésors qu’elle recèle à son assistante, qui, non contente de poursuivre sa mission, tente de réunir dans la mort les deux amoureux.
Isabelle Desesquelles, qui, après avoir dirigé la librairie Privat, à Toulouse, a fondé une résidence d'écrivains dans le Lot, a choisi pour thème de son septième roman, « Un jour on fera l’amour » (5), la possibilité de l’amour. C’est en la voyant de dos, alors qu’elle essaie un vêtement dans un magasin, qu’Alexandre, responsable du cinéma de quartier que son père avait créé, tombe amoureux de Rosalie, qui, elle, s’est perdue dans une profession qui ne lui convient pas et une vie sentimentale agitée. Ils sont aussi semblables qu’ils diffèrent l’un de l’autre, ils se rencontrent pour aussitôt se perdre et ils n’ont que vingt-quatre heures pour se retrouver – comme dans un bon film romantique – alors même qu’ils se raccrochent à des souvenirs ou à des espoirs.
Espoirs et douleurs
Marion, la quarantaine, divorcée, mère d’une adolescente, vient de repousser l’homme qu’elle aime. Pour dissiper le quiproquo, elle lui raconte dans une longue lettre ses échecs passés. Elle cherche autant à le faire revenir qu’à lui faire comprendre, à comprendre elle-même, pourquoi l’amour fait mal. « Le Problème avec l’amour » (6) est fait du récit de ses expériences, du Paris des années 1970 aux années 2000. Mais il ne faut pas attendre d’Isabelle Miller une relation linéaire. Marion retranscrit, dans une confusion parfois déroutante, tout ce qui lui vient à l’esprit et c’est en passant d’un portrait masculin et d’une pensée à l’autre qu’elle élucide les effets des histoires que l’on se raconte à soi-même, avant de les raconter aux autres.
Réalisateur et scénariste, l’Australien Mark Lamprell nous invite, en accompagnant « les Amoureux de l’hôtel Montini » (7), à une visite détaillée de Rome. Trois groupes de personnes s’y croisent : une jeune fille à la veille de se marier et qui, dans l’aéroport, suit un Anglais en vacances en Italie ; un couple sur le point de se séparer alors qu’ils se sont connus vingt ans auparavant dans cette ville ; deux femmes venues disperser les cendres du mari de l’une, qui est aussi le frère de l’autre. Ces personnages qui pensaient en avoir terminé avec l’amour finiront par se (re)trouver, dans le dédale des rues et des mosaïques bleu nuit du magnifique – magique ? – hôtel.
Lauréate du concours George-Sand pour une nouvelle, Marine Westphal, 26 ans, infirmière, raconte dans « la Téméraire » (8) les derniers moments d’un homme victime d’un AVC et l'accompagnement de celle qui a été sa femme éprise depuis plus de trente ans, enfin son ultime acte d’amour. Ni larmoyant ni militant, le récit laisse apparaître des pans d'une vie de bonheur à mesure que l’homme s’enfonce dans l’immobilité et le silence. Une écriture poétique, un texte émouvant.
(1) Stock, 388 p., 20,50 €
(2) Julliard, 346 p., 20 €
(3) JC Lattès, 362 p., 19 €
(4) Actes Sud, 349 p., 22,50 €
(5) Belfond, 211 p., 18 €
(6) JC Lattès, 324 p., 19 €
(7) Kero, 295 p., 18,90 €
(8) Stock, 138 p., 16,50 €
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